Inexorablement poussé avers la sortie par les manifestants qui ne veulent pas moins que sa démission, Ali Abdallah Saleh, président du Yémen, en signe supplémentaire de sa volonté de garder le pouvoir, a soumis au Parlement la décision d'instaurer l'état d'urgence. Décision approuvée par les députés pour trente jours. L'adoption de la loi n'était guère qu'une formalité dans un Parlement dominé par le parti présidentiel. Le texte élargit les pouvoirs des forces de sécurité pour arrêter et détenir des suspects, suspend la Constitution, permet de censurer les médias et interdit les manifestations de rue. Il se départit, somme toute, du semblant de démocratie pour dévoiler au grand jour une dictature. Au pouvoir depuis trente-deux ans, le président Saleh a proposé, mardi dernier, de quitter son poste d'ici à la fin de l'année, alors que son mandat s'achève normalement en septembre 2013, mais l'opposition a rejeté ce compromis, exigeant désormais qu'il parte immédiatement. Plusieurs dizaines de milliers de Yéménites ont manifesté en ce sens dans l'après-midi d'hier à Sanaa, la capitale. «Ceux qui tentent de prendre le pouvoir par des coups de force devraient savoir que c'est impossible. Le pays deviendra instable, il y aura une guerre civile, une guerre sanglante», a déclaré Ali Abdullah Saleh pour dénigrer ses détracteurs de plus en plus nombreux. Le président du Yémen, a, dans ses tentatives de calmer les esprits, proposé de quitter le pouvoir en janvier 2012. Malgré la cascade de démissions des militaires de haut rang et de hauts fonctionnaires de l'Etat, le président yéménite continue de s'accrocher au pouvoir, au risque de provoquer un bain de sang. Des chars de la garde présidentielle, dirigée par son fils, gardaient des bâtiments-clés de la capitale Sanaa, tandis que des chars d'unités passées à l'opposition étaient déployés autour de la banque centrale et du siège du parti présidentiel. Mohammed Kahtan, le porte-parole de la coalition de six partis d'opposition, affirmait hier que les manifestants marcheraient sur le palais présidentiel demain. Des négociations seraient en cours pour assurer une sortie honorable à Ali Saleh, recordman de longévité au pouvoir dans le monde arabe derrière Mouamar Kadhafi (41 ans). Ali Saleh s'en tenait toutefois, hier, à sa promesse de partir fin 2011, ce qui est inacceptable pour l'opposition en raison du massacre d'une cinquantaine de manifestants vendredi dernier. Ali Saleh continue vraisemblablement à tabler sur la loyauté d'une armée dont les plus hauts gradés comptent trois de ses neveux, trois demi-frères et des membres de sa tribu des Hashid. Illustrant toutefois la complexité de la situation dans une société aussi tribale que le Yémen, le principal responsable militaire à avoir rallié l'opposition n'est autre que Mhsen al Ahmar, un demi-frère du Président. Des ambassadeurs, députés et gouverneurs provinciaux ont également démissionné pour protester contre la répression violente de la contestation, et la mort d'une quarantaine de manifestants, vendredi dernier, a déclenché des appels au départ du Président dans l'armée, le clergé et parmi les chefs tribaux qui soutenaient jusque-là le chef de l'Etat. De nouveaux appels à manifester ont été lancés pour demain 25 mars. G. H.