Plus les manifestants durcissent le ton, plus le président Ali Abdallah Saleh, qui se cherche une sortie «honorable», fait gagner du temps. Fortement ébranlé, ces derniers jours, par les coups de boutoir, y compris de ses anciens proches collaborateurs, dans l'armée, au parti et au sein même de son gouvernement, le «maître» contesté du Yémen ne plie pas pour autant. Alors que les protestataires exhortaient, depuis quelques jours, les députés à faire capoter sa décision d'instaurer l'état d'urgence, décrété au lendemain du massacre de 52 manifestants, le Parlement yéménite a adopté hier le texte de loi. En guise de protestation contre cet énième «coup de force», les députés de l'opposition, des indépendants et une partie du Congrès populaire général (CPG) du chef de l'Etat ont, tout simplement, boycotté la séance. 162 sur 164 présents ont, eux, approuvé cette mesure destinée, ce que redoute l'opposition, à interdire les manifestations et surtout le sit-in observé par des protestataires place de l'Université à Sanaa. Après le vote, le président yéménite a officialisé son offre dont la première mouture évoque son départ anticipé, à travers un document adressé à l'opposition. Cette dernière qui a, auparavant, rejeté l'appel au dialogue, campe sur positions. «Ce sont des élucubrations et le président n'a d'autre choix que de partir», a indiqué un porte-parole de l'opposition, Mohammad Gahtane. Inaudible aux appels du président, l'opposition a fait savoir son rejet, de fond en comble, du vote du Parlement. «L'opposition conteste la validité du vote du Parlement qui a approuvé mercredi l'instauration de l'état d'urgence dans le pays en proie à un soulèvement populaire», a déclaré un député du parti islamiste Al-Islah, Abdel Razaq Al Hejri. Le député qualifie le vote d'«une falsification éhontée» puisque, explique-t-il, le quorum n'avait pas été réuni, 133 députés seulement sur 301 ayant assisté à la séance selon lui. Si le raïs yéménite a, ainsi, réussi à faire passer la «pilule» au Parlement, et après s'être assuré du soutien d'une grande partie dans l'armée, rien ne plaide en tout cas pour un quelconque apaisement dans ce pays qui vit sur une véritable poudrière. Le massacre de vendredi dernier, imputé à ses partisans, et les menaces qu'il a proférées quant à une probable guerre civile au cas de son départ forcé, ont scellé sa fin de règne. D'autant plus que la solidarité internationale commence à se lézarder et les critiques à son égard se multiplier. L'opposition promet de marcher demain après la prière du vendredi sur le Palais présidentiel. Saleh, président en sursis ?