Au Yémen, alors que les violences se poursuivent notamment dans le Sud, les nouvelles négociations entamées le 27 mars entre le pouvoir et l'opposition pour tenter de sortir le pays de la crise sont interrompues. L'avenir du bras de fer opposition-pouvoir reste incertain. Le président Saleh de plus en plus contesté se dit prêt à quitter le pouvoir, tout en assurant ses supporters qu'il est toujours là, solide et qu'il représente un rempart contre le chaos qui menace le pays. Le discours du Président a beau manquer de cohérence, le chef de l'Etat yéménite donne l'air de maîtriser une situation à la complexité extrême. Au Yémen, supporters du régime et même opposition reconnaissent en Saleh un tacticien talentueux, ayant réussi à se maintenir au pouvoir depuis trente-deux ans en rapprochant les chefs tribaux et les républicains. Saleh dit accepter de partir et il le répète régulièrement, une façon d'apaiser temporairement la rue lorsque les contestations s'emballent. Mais en refusant tout calendrier proposé par l'opposition, le président yéménite souffle le chaud et le froid. Il semble cependant que Saleh a perdu toute crédibilité vis-à-vis de la contestation qui va en se durcissant. De plus, le soutien toujours actif de Washington au Yémen, très coopératif dans la fameuse lutte contre le terrorisme, est toujours de mise. Dans cette ébullition, de nouvelles informations sont venues mettre une pression supplémentaire sur le Président. Saleh a «vraisemblablement» tenté d'éliminer, avec l'aide involontaire des Saoudiens, le général Ali Mohsen Al Ahmar, aujourd'hui rallié aux contestataires. Les révélations sont données par un journal norvégien sur la foi d'une note diplomatique. Au cours de l'hiver 2010, des avions de chasse saoudiens utilisés pour bombarder la rébellion chiite, qui sévissait au Yémen depuis 2004, ont été dirigés vers un bâtiment présenté comme un siège important des insurgés, écrit Aftenposten, citant un télégramme de l'ambassade des Etats-Unis à Riyad. L'opération a toutefois avorté in extremis lorsque les pilotes saoudiens se sont rendu compte qu'ils s'apprêtaient à bombarder le quartier général d'Ali Mohsen Al Ahmar. Les divulgations viennent embrouiller davantage la situation au Yémen où la violence est extrême. Au moins soixante-dix civils ont été tués, hier, dans l'explosion d'une usine de munitions pillée la veille par des éléments présumés d'Al Qaïda, dans le sud du pays. Une zone qui échappe de plus en plus au pouvoir central. L'usine de munitions appelée «7 Octobre» est située près de Jaar, un bastion considéré comme faisant partie d'Al Qaïda, dont les éléments ont eu des accrochages avec l'armée pour le contrôle de cette ville. Saleh, un allié des Etats-Unis contre le terrorisme, lutte pour sa survie à l'issue de deux mois de contestation de son pouvoir. Le chef de l'Etat yéménite, à la tête du pays depuis 32 ans, n'a montré aucun signe laissant entrevoir son départ demandé à la fois par des centaines de milliers de manifestants, l'opposition, une partie des religieux, de l'armée et des tribus. M. B.