De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali «Nous savons tous que les arts ne constituent pas une priorité en Algérie et il serait donc hasardeux de lancer ses enfants dans une carrière artistique», nous indiquait, il y a quelque temps, la maman d'une fillette de six ans inscrite à des cours de danse dans une association culturelle : «Je suis déjà assez contente de voir que mon enfant est épanouie, qu'elle fait attention à son corps et qu'elle travaille bien à l'école. Pour moi, c'est l'essentiel. Après, si l'occasion lui était donnée de briller dans la danse, pourquoi pas ?» Quatre années après cette confidence, la mère reste sur sa conviction que l'heure n'a pas encore sonné pour les arts en Algérie, qui restent toujours marginalisés, ne bénéficiant pas encore de l'intérêt des citoyens, et encore moins, des pouvoirs publics : «Nous avons déjà du mal à nous en sortir avec l'école, l'université, le chômage…pour penser à la promotion des arts, même si, j'en suis consciente, ils sont extrêmement importants pour le développement et l'épanouissement de l'être humain.» Et, à de rares exceptions, les expériences et vécus des «anciens» donnent totalement raison à ceux qui pensent que l'avenir ne peut pas être «artistique» dans un pays où il n'y a pas suffisamment d'instituts ou d'écoles d'art et où les instruments de musique demeurent inabordables et oùles tentatives de percer dans un domaine artistique sont (presque) toutes vouées à l'échec : «Ceux qui ont vraiment réussi dans le domaine artistique, signale l'un de ces milliers de déçus de la culture, ont dû s'exiler, à un moment ou un autre de leur vie, dans des pays qui mettent les moyens nécessaires à l'éclosion de talents.» Il est vrai que des dizaines et dizaines d'artistes, entre acteurs, chanteurs ou peintres, ont dû partir en France, aux Etats-Unis ou ailleurs, afin de pouvoir donner libre cours à leur art et exercer leur talent : «Parce qu'aucune politique de prospection et entretien de talents n'existe en Algérie, ce sont des dizaines de compétences et autant d'avenirs qui sont perdues chaque année», déplore notre interlocuteur, en insistant sur la responsabilité de l'école algérienne dans cet énorme gâchis. «L'école ne dispense pas, ou rarement, des cours de musique, de dessein ou de théâtre. Et lorsqu'elle le fait, ce n'est jamais inscrit dans une stratégie de promotion bien précise de l'art, mais uniquement dans une optique de distraction. Les quelques associations travaillant avec les enfants n'ayant pas les moyens de cultiver les talents potentiels ni de les conduire à l'épanouissement, et les pouvoirs publics étant préoccupés par d'autres considérations que celles d'encourager des itinéraires artistiques, il est évident que la carrière artistique restera, longtemps encore, un rêve inaccessible.