De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali L'enseignement de la culture artistique aux enfants n'rentre pas encore dans les priorités absolues des Oranais, bien qu'ils en reconnaissent volontiers le rôle dans leur développement : «La lecture par-dessus tout et, accessoirement, la musique ou le dessin, cite Salim, père de trois enfants. Je suis conscient qu'inculquer la musique à mes enfants peut être d'un apport appréciable pour leur évolution mais j'avoue ne pas en avoir les moyens. C'est un investissement lourd qu'il faudra assumer de nombreuses années si l'on veut parvenir à quelque chose. Je me contente donc -en attendant un très hypothétique gain au loto- de leur enseigner l'amour de la lecture par l'achat de livres et l'inscription à la bibliothèque.» Loin de croire qu'une carrière artistique soit possible en Algérie (tout le monde connaissant la situation aussi précaire qu'incertaine de l'artiste), Salim veut bien que son fils suive des cours de dessin : «Juste parce que je sais qu'il aime croquer les gens et les objets. Mais cela est et sera tributaire de ses résultats scolaires.» Les vacances étant aux portes, il s'apprête donc à inscrire son enfant soit dans une maison des jeunes ou à l'association Libre Pinceau qui jouit d'une bonne réputation à Oran : «Je ne serais pas contre une carrière en parallèle à des études, insiste ce fonctionnaire. Mais mon fils doit comprendre qu'en l'état actuel des choses, il ne pourra pas vivre de son statut de dessinateur ou peintre et qu'il devra peut-être, même travailler pour financer une carrière artistique. C'est la dure réalité algérienne.» Comme ce fonctionnaire, beaucoup de parents se contentent de la lecture et d'Internet pour permettre à leurs enfants d'acquérir un sens artistique que l'école, qui n'en finit pas de se débattre dans un tourbillon de problèmes, néglige encore et que de très rares structures et associations culturelles prennent en charge : «Je me suis abonné à Internet et j'essaie d'en surveiller l'utilisation par mes enfants, explique Salah, autre père de famille. Je ne suis pas sûr que cela suffise pour l'acquisition du sens artistique mais, au moins, mes enfants ont accès à une extraordinaire banque de données.» Plus sensible au quatrième art, Salah n'hésite cependant jamais à emmener ses deux aînés de huit ans au théâtre : «Dès que j'entends parler d'un spectacle pour enfants, je m'arrange pour les y conduire. Et j'avoue que voir mes enfants faire du théâtre ne me déplairait pas ; non pas que je leur souhaite une carrière, loin de là, mais pareille expérience les délivrerait de nombreux blocages et les rendrait plus ouverts à la vie.» On le constate, les parents ne dédaignent pas de voir leurs enfants multiplier les cordes de leur arc pour faire face à une vie qui n'est pas toujours facile. A condition, toutefois, de ne pas se laisser piéger par la tentation d'une carrière porteuse de désillusions et déjà vouée à l'échec. Il reste que, le moment venu, ce sont les enfants eux-mêmes qui détermineront s'ils tenteront ou non de prendre le risque de ce parcours, certes, semé d'embûches et exigeant mais, dit-on, tellement gratifiant.