Le débat autour de la dépénalisation de l'acte de gestion des entreprises publiques économiques (EPE) «devrait se situer en amont», pour pouvoir mieux cerner les lacunes de la gestion et d'y remédier au lieu de se fixer sur la législation, a estimé hier à Alger un responsable au ministère de la Justice. Dans une déclaration à l'APS en marge d'un atelier sur «le crime organisé et la corruption publique», le directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, M. Mokhtar Lakhdari, a ajouté que «l'on devrait plus parler de normalisation des actes de gestion». Il a expliqué que «des gestionnaires des EPE eux-mêmes ont parfois des difficultés à appliquer la législation qui régit leurs activités», notamment quand il s'agit de marchés publics. Il arrive, a-t-il enchaîné, que des gestionnaires «ne trouvent pas toutes les réponses à un acte de gestion dans le code des marchés publics», proposant de mettre à leur disposition «des guides, qui seraient autant de recueils de bonnes pratiques», et leur faire connaître la jurisprudence de la commission nationale des marchés publics. Pour limiter le recours aux tribunaux dans les affaires de gestion, M. Lakhdari propose aussi de former les cadres, et relève que «la nature hybride de l'économie nationale fait que des sociétés sont régies par le code du commerce, mais évoluent dans un environnement pas tout à fait libéral et non régi par les principes du commerce libéral». Il estime aussi que, dans «beaucoup» d'entreprises publiques économiques, les conseils d'admi- nistration «ne fonctionnent pas, des commissaires aux comptes ne font pas leur travail et des assemblées générales n'assument pas leurs responsabilités convenablement». M. Lakhdari explique que «tous ces dysfonctionnements, ajoutés à l'absence de sanctions économiques comme alternative à la sanction pénale, font que les actes de gestion atterrissent devant les tribunaux». «Il faudrait que les gestionnaires des entreprises économiques publiques connaissent leur champ d'action, qu'ils aient des recueils de bonnes pratiques et qu'ils sachent faire la différence entre un acte de gestion et un acte qui ne l'est pas», a expliqué le directeur. Le directeur des affaires pénales au ministère de la Justice a rappelé, à cet égard, que la convention des Nations unies contre le crime organisé transnational considère la corruption comme un crime organisé transnational. «En parlant de corruption, nous ne parlons pas d'un acte isolé, mais de tout un montage financier devant permettre surtout de recycler de l'argent sale», a-t-il indiqué. Sur l'objectif de l'atelier de formation auquel ont pris part 47 magistrats des quatre pôles spécialisés de la justice, procureurs et juge d'instruction, M. Lakhdari a estimé que «la formation des magistrats est aussi importante que l'indépendance de la justice». «Le magistrat, qui n'a pas la capacité de maîtriser les affaires complexes, ne peut mener à bien une information judiciaire ou une enquête même s'il a la volonté de le faire», a-t-il fait valoir. R. I.