à la lecture du Journal officiel, le visiteur venu d'une autre planète peut être parfaitement séduit par la situation culturelle en Algérie. A la lecture du Journal officiel durant les six dernières années ! L'Algérie a effectivement la manie du scribe, celle d'écrire à propos de tout. Le pays a rédigé et publié une énorme quantité de lois, de règlements, d'ordonnances, de décrets et de décisions qui constituent un maquis tellement touffu et confus que rien n'est appliqué et qu'un texte adopté est aussitôt contredit, oublié ou simplement destiné à garnir un «bilan d'activité» celui qui consiste à proposer des lois et des décrets n'intéressant que leurs auteurs qui se conforment à des postures : du ministre, du wali, du DG, du P-DG… Il s'agit, en fait, d'une culture, celle qui consiste à faire comme les grands pays, sauf que nos créations et décisions demeurent virtuelles, sur le papier avec l'espoir ultrasecret, celui de feinter le monde extérieur uniquement, car les Algériens se désintéressent de tout, sachant que leur point de vue ne compte pas. Or, le monde extérieur sait apprécier la culture d'un pays selon des critères, des courbes normalisés par des institutions internationales auxquelles adhère l'Algérie. Le nombre de festivals «institutionnalisés» sur le seul critère de leur intitulé a de quoi remplir les yeux et des pages du JO. L'administration «institutionnalise», «délocalise» des manifestations, fait opérer des «échanges» de festivals entre une wilaya et une autre, désigne un conseil d'administration ou des fonctionnaires, et le tour est joué. Ce qui sous-tend qu'un festival dans les arts majeurs, les spectacles vivants spécialisés dans l'enfance et la jeunesse, la bande dessinée ou la musique classique, n'existe pas. Les enseignements haut de gamme aux métiers concernés, les grandes écoles dans les arts et les spectacles fournissent les créateurs dans tous les domaines qui alimentent les festivals. Les métiers du cinéma, du théâtre, les costumes, les effets spéciaux, le mime, les éclairages informatisés, le maquillage, les tournages assistés par ordinateur, les industries techniques, la fabrication de tous les instruments de musique, l'ensemble ne connaît aucun investissement sérieux. La formation à tous les niveaux, la mise à niveau à l'étranger (bourses, stages pratiques, séminaires animés par de grands créateurs), la contribution à imaginer du secteur privé dans les arts (qui sont aussi des industries et des économies) relèvent de l'utopie. Que faire lorsqu'un système culturel est en panne sèche ? On crée des «institutions» sur le JO, ce qui ne coûte strictement rien, on signe des accords avec des pays où les industries de la culture, des loisirs et du tourisme sont privées, et le tour est joué. On feint de croire à une existence au plan mondial à côté de pays qui exportent leur(s) culture(s). Plus tard, le réveil sera brutal si son avènement est permis. A. B.