La souveraineté des Etats peut-elle être compatible avec l'universalité des droits de l'Homme ? C'est à cette dialectique qu'a répondu hier l'ancien président et fondateur de la section algérienne d'Amnesty International, Madjid Benchikh, lors d'une conférence débat à l'hôtel Essafir (Aletti). La pertinence de ce thème au regard de la conjoncture internationale actuelle a permis au conférencier de débattre de la problématique découlant de la pratique de ces principes et de s'appesantir notamment sur les cas d'incompatibilité et de contradiction à la lumière de cas concrets de la scène internationale, notamment l'Irak et la Libye. A cette problématique, il dira que la réponse dépend de la conception que se fait chaque Etat de l'exercice de sa souveraineté, et de l'universalité des droits humains, de la protection des droits des citoyens. Aussi, a-t-il fait remarquer, le problème se pose en ces termes : «D'un côté, les Etats sont souverains suivant une situation établie par la pratique internationale, par les traités et notamment par la charte des Nations unies, et, de l'autre, il y a des conventions internationales, très largement ratifiées par les Etats, par exemple par l'Algérie, qui protègent les citoyens d'un pays et qui permettent d'aboutir à la conclusion que les Etats acceptent eux-mêmes l'universalité des droits de l'Homme». Et d'expliquer : «Les droits de l'Homme sont applicables à toutes les personnes, à tous les êtres humains, mais on constate aussi que certains Etats manipulent les droits de l'Homme pour pouvoir les invoquer et intervenir, conformément à ce qu'ils croient être leurs intérêts. D'autres Etats instrumentalisent la souveraineté pour opprimer les populations.» Donc, a-t-il ajouté, «dans la réalité, malheureusement, ce n'est pas toujours le cas, on retrouve des exemples qui indiquent qu'il y a différents types de manipulations et d'instrumentalisations.» Il a de ce fait tenté d'expliquer dans quel cas ces interprétations sont erronées et ne sont conformes ni à l'exercice de la souveraineté ni à la protection des droits de l'Homme que permet l'universalité de ces droits. Appliqué à la conjoncture actuelle, il dira que chaque cas est unique et, pour chacun des problèmes sur la scène internationale, il faudra d'abord savoir s'il y a eu une violation massive des droits de l'Homme et si la solution qu'on croit apporter et l'intervention qu'on croit pouvoir exercer sont conformes au droit international. A titre d'exemple, il a indiqué que dans le cas de l'Irak dans les années 90, il n'y a pas eu d'autorisation du Conseil de sécurité pour intervenir. Cependant, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont quand même intervenus. Aussi, selon lui, l'intervention n'étant pas autorisée par le Conseil de sécurité, elle n'est donc pas conforme au droit international. Dans le cas de la Libye, par contre, la situation est différente, a-t-il estimé. Le Conseil de sécurité, lorsqu'il constate une situation qui porte atteinte à la sécurité internationale par suite d'une violation massive des droits de l'Homme, en application de la charte acceptée par tous les Etats, a le droit d'intervenir. «Evidemment, cette résolution du Conseil de sécurité doit être respectée, c'est-à-dire que le Conseil de sécurité n'a pas autorisé n'importe quelle intervention.» A. R.