Rapprocher l'administration du citoyen, offrir de meilleures prestations, un meilleur accueil, orienter les gens. Telles sont les nouvelles directives données aux différents services de l'état civil et autres pour alléger un tant soit peu les difficultés auxquelles font face les citoyens qui prétendent au retrait de documents administratifs.Pourtant, sur le terrain, la réalité est tout autre. Une virée dans quelques communes de la capitale nous a renseigné sur l'application des instructions. A l'APC de Bordj El Bahri, dont la bâtisse menace carrément ruine, les administrés ne savent pas où donner de la tête. Particulièrement ceux qui viennent demander le fatidique extrait d'acte de naissance 12S. Les préposés aux guichets, dépassés, il faut le signaler, ne fournissent aucun effort pour être aimable avec les citoyens. Cela, sans compter les passe-droits. Dimanche dernier, la petite salle était bondée de monde. Et pour cause, les travailleurs de la commune, tout comme leurs autres confrères des autres localités, viennent à peine de reprendre le travail après plusieurs jours de grève qui a eu comme conséquence l'accumulation des demandes. Le citoyen paye pour les erreurs de l'administration D'un côté des guichets comme de l'autre, les nerfs sont à fleur de peau. Un citoyen venu revendiquer un document d'état civil qui devait être prêt depuis déjà plusieurs jours se voit répondre qu'il fallait reformuler la demande et présenter de nouveau son livret de famille. Il n'en fallait pas plus pour susciter sa colère. «Je ne peux pas tous les jours m'absenter de mon travail pour venir faire la queue pour ensuite m'entendre dire que le document n'est pas prêt», lance-t-il à la préposée, indifférente, ne le regardant même pas et faisant semblant de remplir un imprimé. «Je ne peux rien pour vous, monsieur», dira-t-elle avec une voix à peine audible. Un autre citoyen vient réclamer la correction de l'erreur faite sur son nom retranscrit sur le 12S. «Il va falloir aller chez le procureur pour le jugement». Cette scène, nous l'avons également vécue à l'APC de Hussein-Dey.Beaucoup de citoyens vivent ce calvaire. Erreurs sur les noms ou encore les dates de naissance. Malheureusement, ils ne prennent pas la précaution de vérifier sur place les documents qui leur sont remis. Ce n'est qu'au moment de la constitution d'un dossier qu'ils s'en rendent compte. Et commence alors la galère des tribunaux pour les corrections. Il s'en est pourtant trouvé un administré qui a eu la perspicacité de relire son document. Il remarque que son nom a été mal transcrit. Il s'en remet au préposé pour qu'il le lui refasse. «Je n'ai pas que ça à faire», lui rétorque-t-il, alors que le citoyen n'avait pas encore quitté le guichet. Il insiste, puis dans un accès de colère : «C'est moi qui vous paye, c'est l'argent de mes impôts qui vous fait vivre. Je suis donc en droit d'exiger une meilleure prestation. De plus, vous êtes un service public, c'est à vous de fournir des efforts pour éviter ce genre de problèmes.» Nous nous rapprochons de lui. «Ecrivez, écrivez que toutes les annonces et les informations sur l'accueil du citoyen, son respect par les administrations ne sont que de la poudre aux yeux. Vous venez d'assister vous-même à la scène.» Et d'ajouter : «Nous n'avons pas connu ce genre de problèmes auparavant. C'est récent. Je pense que l'écrasante majorité des préposés ont été recrutés dans le cadre de l'emploi de jeunes ou le filet social. Ils n'ont pas de niveau et par conséquent ils ne peuvent que faire des erreurs que le citoyen paie par la suite.» Notre interlocuteur n'a effectivement pas tort. C'est le constat que nous avons fait un peu partout dans les APC et autres daïras. Bureaucratie, insolence et incompétence A propos de daïra, nous avons effectué une tournée dans celle d'El Harrach et de Hussein Dey. Dans la première, c'est quasiment l'anarchie. Pourtant, il y a à peine une année, elle servait d'exemple à ses pairs, tant l'organisation, la discipline et la concentration étaient de mise. Qu'est-ce qui a changé ? «Depuis le départ du chef de daïra, tout a basculé, on ne reconnaît plus cette sous-préfecture. On dirait qu'un tsunami d'incompétence et d'ignorance l'a frappée. Avant, vous n'attendiez pas plus d'une journée pour récupérer votre carte grise, votre passeport est prêt à la date à laquelle le préposé vous demande de venir le chercher. Maintenant, c'est fini. Si vous voulez piquer des crises de nerfs, venez ici», nous déclare un septuagénaire natif de la commune d'El Harrach. Un constat que nous avons confirmé en voyant l'attitude des préposés dont le mot politesse ne figure pas dans leur background. Pourtant, c'est gratuit, cela ne coûte rien. Daïra de Hussein Dey, il est 10h ce dimanche. La chaleur dehors est à peine supportable. A l'intérieur, les gens suffoquent. Pas de climatisation. La sueur est sur tous les visages. Beaucoup sont venus déposer leur dossier pour le passeport ou encore leur carte d'identité ou encore les retirer. Ne sachant ni lire ni écrire, une vieille dame sollicite le préposé pour lui remplir l'imprimé. Scène incroyable : c'est à peine s'il n'a pas levé la main sur elle, lui enjoignant d'aller voir s'il n'y avait pas devant la porte de cette auguste administration un écrivain public pour l'aider. Les gens sont sidérés. Ils ne s'expliquent pas l'attitude de l'employé pourtant censé être au service des administrés. Un citoyen vient s'enquérir des documents requis pour la carte d'identité, histoire de confirmer l'allègement du volume des documents, comme la non-exigence du certificat de nationalité, annoncé sur les ondes de la radio par le ministre de l'Intérieur. Il découvrira qu'il n'en est rien et que seuls 5 documents ont été retirés du dossier du passeport. Le certificat de nationalité est, lui, exigé aussi bien pour le document de voyage que pour la carte d'identité nationale. «Nous n'avons reçu aucune instruction dans ce sens, lui répond un employé. Et les annonces faites à la radio ne sont pas des écrits.» De quoi décevoir plus d'un. Ce ne sont donc que des effets d'annonce. Sur le terrain, le citoyen lambda continue à vivre le calvaire et être à la merci de la bureaucratie et de l'insolence des préposés. Nous avons tenté d'entrer en contact avec la Direction des libertés au ministère de l'Intérieur, mais on nous a aimablement fait savoir que M. Talbi ne pouvait être disponible avant cette semaine, tout comme ceux habilités à nous répondre. F. A.