De notre correspondant à Constantine A. Lemili En décalant le Festival international de jazz de Constantine, Dimajazz, au début de la troisième semaine de juin et en le délocalisant du Théâtre régional de Constantine (TRC) au palais de la culture Malek Haddad, l'association Limma, organisatrice du festival, ne pouvait mieux exprimer sa déconnexion d'un événement «majeur» qui aurait du mérite à demeurer inamovible et sur le plan temporel et sur le plan spatial. Si déconnexion pourrait s'avérer un mot trop fort, soulignons tout de même une certaine forme de désaffection qui, quelque part, trouverait alors sa source dans la routine, sinon la lassitude.Routine et lassitude dans la mesure où l'association s'est retrouvée dans des procédures administratives officielles depuis l'institutionnalisation du festival. Et quoique ses membres aient bataillé dur et chèrement payé leur acharnement (décès directement lié à la préparation ou l'organisation du Dimajazz de deux membres parmi les plus actifs) à parvenir à une reconnaissance officielle de l'événement qui permettrait l'ancrage définitif d'une manifestation qui leur tenait à cœur depuis plusieurs années, cette institutionnalisation ne semble pas leur avoir servi en ce sens que le challenge en tant que stimulant ne semble plus en être. Ce n'est pas encore l'extrême béatitude mais c'est tout comme pour la simple raison que maintenant tout est réglé comme du… papier à musique.Le rendez-vous de l'année dernière, déjà, avait de cela qu'il était de moindre qualité comparativement à tous ceux qui l'ont précédé. C'est du moins ce qui est affirmé par ceux qui font du Dimajazz une halte incontournable, voyant en l'édition un manque flagrant d'imagination pour ne pas dire d'essoufflement précoce.Or, le décalage de cette saison présente toute la caractéristique d'une entorse qui met à mal la rigueur, le sérieux et la fidélité à un engagement. Jusque-là, les membres de l'association se targuaient du fait que le festival commençait à se faire une place dans l'agenda de «noms» mondiaux de la musique jazz qui y accordaient plus de considération d'autant plus que, tout au long de son déroulement, les invités étaient déclarés comme envoûtés par la chaleur du public, l'ambiance conviviale, l'interactivité durant les concerts, les qualités techniques d'organisation et de prestations, etc.Cela étant, le festival ne se déroulera pas au TRC en raison des capacités d'accueil restreintes et donc un vrai dilemme pour l'association qui doit faire face à une demande exponentielle chaque année. Mais le palais de la culture Malek Haddad, qui permettrait d'accueillir deux cents spectateurs supplémentaires, réunit-il les conditions idoines notamment sur le plan de l'acoustique ? Très certainement non. Il suffirait pour cela de revenir à la dernière manifestation en date, en l'occurrence la première édition du festival World Music, lors de laquelle les musiciens ont dû faire preuve de génie pour rattraper le déficit acoustique, même si l'essentiel du public n'y voyait pas grand-chose, le plus important étant pour les jeunes de se défouler. En quelque sorte «peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse».Et les gens de Limma ont toujours fait de l'acoustique leur point d'orgue d'autant plus que cet élément figurait, semblerait-il, comme condition essentielle dans les réponses «réservées» des invités. Ce ne sera pas le cas pour cette saison. Les groupes invités, exception faite de ceux locaux peu exigeants, joueront-ils alors le jeu et se prêteront-ils à la fête ? Enfin, depuis le temps que la ville de Constantine l'abrite, le festival reste, et cela ne devrait pas être le cas, sans effet sur la vie de tous les jours de la cité. Si un derby local de football transforme littéralement la wilaya une quinzaine de jours avant et une quinzaine après, il paraît pour le moins incongru qu'un festival international se déroule en vase clos durant une semaine comme s'il s'agissait d'un banal karaoké entre… potes.