Faire de la politique, c'est aussi une affaire de langage. Et convaincre les foules est souvent une question d'éloquence. Oui, mais avec quelle langue susciter l'adhésion ? C'est la question à laquelle nous a confrontés Mohammed Frimehdi avec sa pièce El Houma el Maskouna (le quartier hanté) du Théâtre régional de Mascara, présentée vendredi dernier au TNA lors de la 10e journée du FNTP. Un riche maquignon, Bahoûss, ambitionne de briguer un mandat de maire. Mais son faible niveau d'instruction le conduit à engager son locataire, El Hayel Boussmaha, un vétérinaire radié, pour diriger sa campagne électorale. Ce dernier va faire appel aux services d'une spécialiste en communication politique, Maha Khaldouni. Et sous ses conseils, un semblant de concurrence va s'organiser autour d'un quatrième personnage, Bouaâssa, simple homme à tout faire, et qui finira par gagner les élections.Résumons : un riche ignorant engage un pauvre savant pour accéder au pouvoir. Rien de bien nouveau jusque-là. Une vision sans doute binaire, un cliché de plus, pourrions-nous dire. Mais le metteur en scène a choisi de pousser plus loin la dichotomie. Ce sont littéralement deux langages qui s'affrontent au long de la pièce. D'un côté, un arabe littéraire, savant, de l'équipe de campagne. Une langue de discours officiel, de conception moderne de la politique. Et de l'autre, un parlé populaire de la région, une langue proverbiale, poétique, mais qui fait surtout fi de toute théorie de la communication, préférant un pragmatisme de «pasteur» et un bon sens ancestral.Il est sans doute vrai que le texte de la pièce en est enrichi, que nous savourons la beauté du dialecte de Mascara. Mais à trop vouloir illustrer l'affrontement des deux mondes, le moderne et l'ancien, le metteur en scène pèche par excès de zèle. En effet, tout concourt dans cette pièce à nous faire assister à une véritable partie de ping-pong, et qui peut à la longue devenir lassante. Que ce soit dans les costumes des acteurs, trop vulgairement différenciés. L'éclairage, qui consiste à offrir tour à tour des «couloirs» aux acteurs pour exprimer leur vision, accentuant encore le contraste des propos. Fort heureusement, l'humour était au rendez-vous. Il faut néanmoins signaler que certains effets de mise en scène ne manquent pas d'originalité. Bien que souvent inspirés des techniques de la télévision, ils réussissent à étayer le propos de la pièce en l'allégeant. L'utilisation de l'écho, pour signifier la «double» parole de toute promesse électorale. Ou encore la cacophonie, les images vidéos projetées sur les murs de la salle, lorsqu'il s'agit de convaincre Bouaâssa d'organiser sa campagne de manière moderne, mais qui n'ont d'autre effet que de lui donner le tournis, vu qu'il n'entend strictement rien à ces conceptions. Le jeu des acteurs souffre quant à lui de quelques imperfections. Ils semblent parfois hésitants et ont du mal à faire porter leur voix; l'actrice Sayem Wardia s'est par deux fois emmêlé les pinceaux dans son texte.El Houma el Maskouna est une pièce de moyenne facture. Non dénuée d'intelligence de bonne volonté. Mais ce dont elle souffre le plus, c'est de porter trop de clichés. En définitive peu convainquante parce qu'elle propose une vision de la société un peu dépassée. Le monde rural qu'elle évoque existe-t-il encore aujourd'hui ? F. B.