En proposant un tennis éblouissant face à Novak Djokovic pour accéder à sa cinquième finale de Roland-Garros, sa vingt-troisième en Grand Chelem, Roger Federer s'est rappelé, à bientôt 30 ans, au bon souvenir de ceux qui l'avaient enterré trop rapidement. D'une ovation longue et spontanée, qui a soulevé des “frissons” en lui, le public de Roland-Garros a témoigné sa reconnaissance à Federer l'esthète, après son match homérique vendredi face au Serbe et N°2 mondial, invaincu jusque-là en 2011. Le Suisse n'avait depuis longtemps plus laissé paraître une telle aisance, contre une adversaire lui-même au sommet de son art. Depuis sa victoire à l'Open d'Australie 2010, le N.3 mondial n'avait plus remis les pieds en finale d'un tournoi du Grand Chelem. Une éternité pour l'homme aux 16 titres majeurs, et aux 285 semaines en tête du classement ATP. Ses éliminations l'an passé, en quarts de finale, à Roland-Garros, qui avait mis fin à son règne de N°1 et à son invraisemblable série de 23 demi-finales consécutives en Grand Chelem, et ensuite à Wimbledon, avaient fait couler beaucoup d'encre sur son déclin jugé inéluctable. Sa victoire au Masters en novembre, ses deux demi-finales à l'US Open 2010 et en Australie en janvier, conclues par deux défaites devant Djokovic, n'avaient pas suffi à rassurer. D'autant que son début de saison 2011 était tout juste honnête. Mais le Bâlois n'a jamais perdu la foi, convaincu de toujours avoir le jeu pour rivaliser avec Djokovic et Rafael Nadal, et même de pouvoir prétendre encore à la place de N°1 mondial. Une ambition qui pourrait revenir d'actualité à moyen terme s'il battait l'Espagnol dimanche en finale. Début 2009, les défaites s'étaient amoncelées, et les sarcasmes avec. Mais sa réplique avait été cinglante: il était allé en demi-finale à Rome avant de gagner à Madrid, Roland-Garros et Wimbledon! Federer a appris à choisir ses événements. Les Masters 1000 lui servent avant tout de préparation aux tournois du Grand Chelem, ses vrais objectifs avec son ultime rêve, devenir champion olympique à Londres en 2012. A Paris, il est arrivé cette année extrêmement décontracté. Libéré depuis sa victoire de 2009, il s'est accommodé, sans en prendre le moindre ombrage, de voir l'attention des médias se focaliser sur Djokovic et Nadal ; En pleine possession de ses moyens physiques, avec une détermination intacte, il a cherché à rendre son allant à son jeu, en se montrant plus agressif. Contre Djokovic, il a pris la balle très tôt, n'a pas reculé sur son revers et rendu coup pour coup, dans un match joué sur un rythme hallucinant. Le Suisse a déjà perdu cinq finales de Grand Chelem face à Nadal. Mais vaincre aujourd'hui, pour ce qui serait certainement sa plus grande victoire, ne ferait que rappeler à tous que le génie ne s'éteint jamais vraiment.