Photo : S. Zoheïr Par Amar Rafa Les consultations sur les réformes politiques qui tirent à leurs fins, ont permis à un groupe d'universitaires et d'académiciens, de donner leurs avis et propositions au sujet des réformes annoncées. «Avant cette rencontre, j'avais beaucoup d'appréhensions et même des doutes, comme de larges secteurs de l'élite algérienne», a affirmé Mohamed Bahloul, expert en économie, qui a fait un constat selon lequel «cet espace de consultations sur les réformes est bon, mais il est largement insuffisant, et rencontre des limites importantes. La nation demande un débat populaire, profond, basé sur l'inclusion de toutes les forces politiques, sociales et culturelles de ce pays». «Le pays qui a su assurer durant les années 1970 le débat sur la charte nationale, est capable d'organiser un débat populaire pour enraciner la démocratie et les réformes», a-t-il ajouté. Pour ce faire, il préconise un congrès national de l'Etat algérien, qui doit définir les mécanismes de transition politique, en soulignant l'impératif de refonder l'Etat par rapport aux paradigmes de la citoyenneté dont celui qui pose que «le devoir citoyen d'obéir aux gouvernants suppose le droit de les choisir». «Ce paradigme doit nous départager», a-t-il insisté, tout autant pour que ce congrès ait à son ordre du jour la définition du contrat social et de la philosophie constitutionnelle. Il s'agira aussi de «dégager une commission d'experts pour rédiger une constitution qui sera soumise à la nation». Et de conclure : «La fin d'un régime suppose une constituante.» Le professeur Abderrazak Dourari, de l'Université d'Alger et Directeur du centre de tamazight, fera remarquer que la méthode utilisée par cette instance est très lente comme réponse au danger que représente la situation en Algérie, qui menace d'une explosion de la société et des institutions de l'Etat. C'est comme si cette commission ajoutait un rapport supplémentaire aux précédents sur la réforme de la justice de Mohand Issad, les événements en Kabylie, la reforme des institutions de l'Etat de Missoum Sbih, ainsi que le rapport de Benzaghou sur la réforme du système éducatif. Des rapports jamais appliqués, onze ans après leur élaboration, a-t-il indiqué, exprimant ses craintes que le rapport de l'instance actuelle suive le même chemin, ce qui réduirait sa crédibilité aux yeux de la société. Pour ce qui est de la constitution, «le problème n'est pas dans sa révision mais dans son application par tous les pouvoirs, notamment le pouvoir exécutif», a-t-il dit, en appelant à un consensus entre toutes les forces politiques pour que la constitution consacre les libertés, la séparation des pouvoirs et à la mise en place d'une commission de contrôle de l'application de la constitution. L'ancien ministre de la Santé, le professeur Aberkane, de l'université de Constantine, a, lui, insisté sur l'impératif de crédibilité nécessaire des consultations actuelles, afin de répondre favorablement aux aspirations de la société. «Le problème n'est pas dans les textes, qu'il s'agisse de la constitution ou des autres lois, mais dans leur application», dira-t-il, ajoutant que les lois doivent être exemplairement respectées par tous, des plus hautes institutions au plus basses, pour redonner l'espoir à notre jeunesse. La nouvelle étape doit être celle qui consacre le retour de la confiance dans les décisions des hautes autorités du pays, à travers des structures et des appareils politiques et administratifs pour la prise en charge de cette étape. Sans quoi, on ne peut prétendre à des institutions nouvelles et à une application sur le plan local de tout nouveau texte, quel qu'il soit. Le Pr. Aberkane suggérera, en outre, la décentralisation effective et responsable, affirmant que «la gestion de tout le pays, et spécialement les problèmes du sud du pays, nécessitent une décentralisation effective». Le doyen de la faculté de Droit et enseignant de droit international à l'université de Sétif, quant à lui, a insisté sur certains principes essentiels devant guider les réformes politiques et les domaines que doit toucher la révision de la constitution. Après le «retour à la paix, le but est de la consolider et la pérenniser, ce qui pourra se réaliser à travers l'Etat de droit», a-t-il estimé. Ces réformes peuvent êtres menées dans le cadre de la bonne gouvernance constitutionnelle, donc institutionnelle et juridique. Cette bonne gouvernance nécessite, d'après lui, l'adoption du principe de la démocratie participative, à travers la décentralisation, le soutien au rôle du parlement qui doit refléter la société civile, un espace neutre spécialisé, une presse libre, et un contrôle constitutionnel effectif. Quant aux propositions de Mme Nouria Remaoun du CRASC, elles sont inhérentes à la jeunesse, la société civile et aux libertés. Concernant la méthodologie à adopter dans les réformes, elle a insisté sur l'impératif de réaliser trois ruptures : la centralisation du rôle du travail dans la société, l'abandon de la logique rentière, et enfin, la rupture avec «faire pour» et «faire avec» la société, les associations et la société civile. Boudrioua Azzedine, de l'université de Paris, a insisté sur sa participation en tant que chercheur Algérien à l'étranger. «Ce qui démontre que l'instance a donné de l'importance à tous les Algériens», dira-t-il. Et que cette commission consulte des scientifiques au sujet des réformes, ce faisant, elle démontre «l'importance de la démarche scientifique et l'utilisation de la science non seulement dans la prise de décisions, mais aussi dans la gouvernance et la gestion du pays». Un représentant de l'école d'architecture et d'urbanisme, Belabid Ali, a, lui, soulevé la question de la spécificité algérienne, appelant à rajouter dans la nouvelle constitution la dimension de l'Algérianité à coté des autres constantes, à savoir l'arabe, l'islam et l'amazighité, en rappelant que «nos enfants qui rentrent à l'école apprennent un arabe classique, qui est en réalité une langue étrangère pour eux», a-t-il estimé. Enfin, il suggérera l'élaboration de trois constitutions à soumettre à un referendum pour laisser les algériens choisir celle qu'ils préfèrent. Un plan spécial de développement du Sud du pays et de la Kabylie est également nécessaire considère-t-il. A noter que le Pr. Chaulet qui était présent parmi la délégation s'est abstenu de toute déclaration.