C'est une véritable refondation de l'Etat qu'un groupe d'enseignants et d'académiciens a défendu hier devant la commission sur les réformes politiques en plaidant pour Mohamed Bahloul, notamment pour une «Constituante» qui déboucherait sur un «Etat national algérien». «Avant cette rencontre, j'avais des appréhensions, des doutes comme de larges secteurs de la société et des élites algériennes. J'ai pris un risque, je suis venu discuter avec les membres de la commission», a précisé M. Bahloul, économiste, qui explique qu'en répondant à l'invitation, il a assumé «le devoir de vérité sur nous-mêmes et vis-à-vis de notre peuple en disant ce que nous pensons». Pour lui, «cet espace d'échange et de consultation sur les réformes politiques est bon mais largement insuffisant». Il rencontre à ses yeux des limites importantes, car «la nation demande un débat populaire profond, basé sur l'inclusion de toutes les forces politiques, sociales et culturelles de ce pays». Le pays qui a su organiser le débat sur la charte nationale est capable «d'organiser un grand débat populaire pour enraciner la démocratie», a-t-il dit. Ce débat consiste en l'organisation d'un congrès national «d'Etat national algérien». Il faut, a-t-il dit, «redimensionner et refonder l'Etat national algérien par rapport au pragmatisme de la citoyenneté». «Ce congrès doit avoir comme ordre du jour de définir le contrat social et la philosophie constitutionnelle, (parlementaire, présidentielle..) et enfin désigner une commission d'experts, de politologues, de constitutionnalistes» pour rédiger une Constitution qui sera soumise à la nation. Il ne faut pas jouer sur les mots. La fin d'un régime suppose une constituante. On n'a pas à être spécifique», a-t-il tonné. Enfin, il faut définir, explique le professeur Bahloul dans le cadre de ce congrès «un mécanisme de transition politique». Remerciant la commission pour avoir «invité» des intellectuels, «une reconnaissance», le professeurs Abdelaziz Dourari, a «constaté que la méthode adoptée par la commission et la commission en elle-même sont très longues comme réponse à la gravité de la situation en Algérie qui menace d'une explosion sociale et d'une explosion des institutions de l'Etat». Ses «doutes» sur la commission et son rapport ne s'arrêtent pas là. «Nous craignons que le rapport Bensalah subisse le même sort que les précédents» «C'est comme si cette commission ne fait qu'ajouter un rapport supplémentaire aux autres rapports passés». Il citera les rapports Issad sur la réforme de la justice et celui sur les évènements de Kabylie, «125 morts, plus de 1000 blessés sans aucune condamnation», le rapport Benzaghou sur l'éducation ainsi que le rapport Sbih sur la réformes des structures de l'Etat. «11 ans après ces rapports, la société n'a vu aucune application», a-t-il fait remarquer avant d'afficher sa crainte que le rapport Bensalah subisse le même sort, «ce qui diminue de sa crédibilité vis-à-vis de la société», dit-il. Pour le Pr Dourari, «le problème ne réside pas dans la révision de la Constitution mais dans son respect plus précisément par le pouvoir exécutif». Si une autre Constitution il y aura, l'universitaire plaide pour «un consensus global de toutes les forces politiques». Cette nouvelle constitution «qui va être surveillée par une commission» doit ensuite selon lui, consacrer les libertés, garantir la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice. L'ex-ministre, le professeur Abdelhamid Aberkane, évoque pour sa part «la crédibilités des consultations» qui doivent à ses yeux répondre aux aspirations de la société. Comme Dourari, il évoquera le problème d'application des textes avant de plaider pour l'alternance au pouvoir et la nécessité de regagner la confiance des citoyens par «de nouvelles institutions de transition». «On ne peut rien attendre des nouveaux textes avec les mêmes institutions», a-t-il dit avant de plaider pour la décentralisation. Le doyen de la faculté de droit de Sétif, Guechir El Kheir, a affirmé avoir «axé» son intervention devant les membres de la commission «sur certains principes de base, comme la consécration d'un Etat de droit, d'une démocratie participative, le renforcement du rôle du parlement et une justice indépendante entre autres.» Belaid Ali, enseignant à l'Epau (architecture), a plaidé pour sa part pour la consécration du «principe de l'algérianité» dans la constitution ainsi que l'officialisation de tamazight. Nouria Remaoune du Crasc d'Oran a évoqué «un débat libre» avec la commission, tout en défendant des points sur la jeunesse, la société civile. Elle est contre «la logique rentière» et prônera une gestion participative. Pour Boudrioua Azzedine de l'université de Paris, «la démarche de la commission est importante». Ses propositions ont été articulées autour de «la démarche scientifique» qui doit jouer un rôle dans la prise de décision, la gouvernance et la gestion du pays». Un deuxième groupe d'intellectuels a été reçu dans l'après-midi d'hier.