Propos recueillis par Melissa R. La Tribune : L'ISGP vient de lancer un master spécialisé en intelligence économique. Le lancement de cette formation ne serait-il pas dicté par la nécessité de contrer l'influence de certains cabinets conseil étrangers ? Mustapha Bouroubi : L'intelligence économique ne se situe pas uniquement à ce niveau-là. L'intelligence économique repose sur trois composantes essentielles. La première composante concerne la production de l'information et qu'on appelle communément la veille stratégique. La seconde composante concerne la protection de l'information et assurer la sécurité économique. Et c'est uniquement la troisième composante qui concerne l'activité de lobbying et d'influence. Notre master est basé sur les besoins en intelligence économique, lesquels besoins ont été constatés par le ministère de l'Industrie, de la PME et de la Promotion des investissements qui a initié une enquête. Ces besoins se situent au niveau de la première composante laquelle concerne la veille stratégique. Au niveau des entreprises, il n'y a pas encore une production suffisante d'informations. Si on ne produit pas d'informations, on n'aura rien à protéger. Et nous ne sommes pas encore arrivés aux actions d'influence. Il faudrait avoir l'information nécessaire qui nous permet de faire de l'influence. L'objectif principal et l'axe principal pour mettre en place un système d'intelligence économique, que nous allons développer dans une formation, à travers ce master, est d'apprendre aux entreprises de l'information et faire de la veille stratégique. Jusqu'à présent, nos entreprises ont eu recours aux bureaux d'études étrangers pour leur veille stratégique … Ces bureaux ne font pas de veille stratégique. Quand vous faites de la veille stratégique, cela veut dire que vous avez besoin de matière que vous allez soit produire vous-même, soit la sous-traiter. Vous avez besoin d'une information pour alimenter un processus de décision. C'est alors que vous pouvez vous adresser à un cabinet conseil étranger lequel va sous-traiter pour vous. Comme vous pouvez développer et mettre en place un système d'intelligence économique et de veille stratégique pour produire votre propre information. Les cabinets conseil ont pour métier de produire de l'information pour les autres. La question n'est pas de savoir s'ils ont le monopole. Ils se sont juste spécialisés dans le métier de la production de l'information. Voulez-vous dire que les cabinets conseil étrangers ne font que remédier à un vide ? Les cabinets conseil étrangers se sont installés ici pour vendre de l'information. Mais les entreprises algériennes ont ressenti le besoin d'apprendre à produire de l'information par leurs propres moyens et à mettre en place un système d'intelligence économique. Notre objectif à travers ce master est d'apprendre aux gens à produire eux-mêmes de l'information. Le dernier remaniement gouvernemental a été marqué par la création d'un département ministériel dédié à la planification et à la statistique. Malheureusement, on ne voit pas encore les résultats en termes de production de l'information… C'est en effet un département de production de l'information. Il s'agit, en fait, de produire de l'information dont les entreprises ont besoin. Et c'est nécessaire. L'information dont a besoin l'entreprise peut être produite par moyens propres, elle peut être achetée, comme elle peut être produite par des instances étatiques, à l'exemple de l'information statistique. A moins que ces instances-là n'arrivent pas à produire de l'information fiable. Ce genre d'institutions constituent, néanmoins, pour l'entreprise et les systèmes d'intelligence économique de l'entreprise une source d'informations comme toutes les autres sources. Quel est votre point de vue à propos de la fiabilité de la statistique officielle à l'image de celle produite par l'ONS ? Une entreprise qui dispose d'un système d'intelligence économique met en place un processus qui prévoit le traitement de l'information avant sa validation. C'est donc à l'entreprise de faire la part des choses et de faire la différence entre l'information fiable et celle qui ne l'est pas, même si cette information vient d'un organisme étatique ou autre. Bien entendu, il appartient aussi à l'Etat de produire une information fiable.