Le peintre britannique Lucian Freud, petit-fils du célèbre psychanalyste Sigmund Freud, est décédé à l'âge de 88 ans, a confirmé jeudi son avocate. De son vivant déjà, le peintre aux célèbres nus battait des records sur le marché de l'art. Le peintre le plus cher du monde ? A une époque où le marché de l'art voyait les records tomber comme des mouches sur une meule de foin, Lucian Freud avait vu plusieurs de ses tableaux réaliser en vente publique des scores impressionnants, phénomène rare pour un artiste vivant. En novembre 2007, deux de ses tableaux (un «Autoportrait» et une «Etude pour corrida n°1») étaient acquis par deux collectionneurs pour la somme de 49 millions d'euros. En mai 2008, «Benefits Supervisor Spleeping», le portrait d'un de ses modèles fétiches, Sue Tilley (surnommée «Big Sue»), atteignait la somme de 23,3 millions d'euros. Lucian Freud avait encore alimenté la rubrique people des journaux en réalisant un petit portrait de la reine Elizabeth (la souveraine n'avait paraît-il pas très apprécié) et un autre de Kate Moss enceinte. Voilà le côté bling bling d'un peintre qu'un méchant critique avait un jour surnommé «le pompier de la couperose». Ses nus ont parfois choqué parce qu'ils donnaient à voir des corps étalés sans complaisance - corps flasques, abandonnés, exhibés. Lucian Freud affirmait ainsi : «e veux que ma peinture fonctionne comme la chair (…) Je voudrais que mes portraits soient ceux des gens mais pas comme eux (…) Pour moi le tableau est la personne. Je veux qu'il fonctionne comme la chair».Dans l'un de ses derniers tableaux («Le peintre surpris par une admiratrice nue», 2004-2005), Lucian Freud s'était représenté dans son atelier (dont les murs étaient constellés des traces de ses pinceaux, qu'il essuyait à même leur surface), une femme nue à ses pieds, ses deux bras retenant sa jambe droite. Image d'un séducteur (on affirme que Freud serait le père d'une quinzaine d'enfants) ? Le peintre répondait à cette interrogation par une pirouette, affirmant qu'il n'avait surtout pas voulu représenter «un artiste silencieux au travail».Grand observateur, Freud a aussi beaucoup regardé les autres peintres. Chez les Français, il a jeté un œil du côté des classiques (Poussin, Watteau), consacrant un intérêt particulier à Cézanne dont il saluait «la capacité à faire des choses que je pensais infaisables». Star du marché de l'art, Lucian Freud l'est aussi des musées, les plus grands d'entre eux lui ayant consacré des expositions. Passionné de courses de chevaux et de chiens (il a dépensé des fortunes sur les hippodromes et les cynodromes), Freud ne dédaignait pas les mondanités. Ami de Francis Bacon, mort en 1992, il se brouilla cependant avec lui lorsque le succès vint frapper à sa porte. Londres, ville où ils résidaient tous les deux, n'étaient visiblement pas assez grande pour ces deux géants de la peinture ! B.G In Le Nouvel Observateur du 22-07-2011