Vrai baromètre de l'organisation d'un secteur aussi vital que celui ayant pour mission de former les générations futures, la rentrée scolaire 2008/2009 est en train de semer un sentiment de désespoir au sein d'une population qui a tant besoin de cette institution pour relever tous les défis de la conjoncture. Pour la présente année scolaire, la difficulté s'est accrue avec la propension prise par le facteur de la surcharge dans lequel sont tenus de vivre plus qu'avant enseignants et élèves. Plus d'une trentaine d'élèves en moyenne se sont ainsi retrouvés depuis le 13 septembre, date du coup d'envoi officiel de l'année scolaire, à disputer les petits espaces que leur offrent les établissements dans lesquels ils sont inscrits. La promiscuité s'est installée dans nos écoles. Alors que les normes d'un enseignement pédagogique de qualité exige un nombre limité d'élèves par classe, l'école algérienne est renvoyée au temps de la grande croissance démographique d'il y a une vingtaine d'années. Au moment où des écoles, particulièrement celles relevant du cycle primaire, ferment leurs portes, faute d'écoliers, la majorité des établissements sont à présent surchargés. Les méfaits d'une telle su charge justifient manifestement toute expression de crainte dans le sens que c'est le cycle moyen qui est touché. Ce cycle est naturellement important dans la mesure où c'est justement à cet âge que l'enfant a besoin d'être mis dans les meilleures conditions pour son épanouissement et son perfectionnement. Officiellement et par la voix du ministre de l'Education nationale, M. Benbouzid, «la surcharge ne sera que conjoncturelle». Des solutions seront trouvées, promet-il, au fur et à mesure que l'année scolaire avancera. L'atout du premier responsable du secteur est la réception attendue de plusieurs établissements dans quelques mois. Le nombre important d'écoles construites et livrées s'est avéré insuffisant face à une demande en hausse. Il est clair que ce sont les directeurs d'école et les enseignants qui subiront le pressing des chiffres, au moment où le premier responsable du secteur promet une nette amélioration du cadre d'enseignement au cours de l'année. Au-delà du fait que les remèdes proposés par le ministre ne sont pas conformes aux conditions pédagogiques, les enseignants se plaignent déjà de cette désorganisation après seulement deux semaines de cours. Un enseignant d'un CEM algérois témoigne : «Sincèrement,c'est trop. Se retrouver devant une quarantaine de collégiens pendant une heure, ce n'est pas du tout une mince affaire car je dois d'abord assurer un environnement discipliné avant la concentration sur la leçon.» Notre interlocuteur ajoute que «le surnombre perturbe aussi l'élève qui est tenté de remarquer tout ce qui bouge autour de lui et avec un nombre élevé d'élèves par classe, il est très difficile de maintenir la concentration des présents». Dans les villes de l'intérieur, les choses sont encore plus dramatiques. On signale ici et là des écoliers qui attendent toujours de savoir où étudier. A Djelfa, des élèves d'un collège ont été surpris le jour même de la reprise d'apprendre que l'établissement dans lequel ils devaient entamer leurs études sera démoli dans quelques semaines. La solution ? Il leur a été demandé d'aller s'inscrire ailleurs. Une demande qui a été formellement rejetée par les parents d'élèves. Ces derniers craignent, en effet, pour la sécurité de leur progéniture. Car un long déplacement des écoliers vers l'école est plein de risques.
Surcharge programmée Ce qui est manifestement aberrant de la part de la tutelle est qu'il a été peu entrepris pour faire face à cette surcharge prévisible. Même si le premier responsable du secteur se targue d'avoir bénéficié de nouvelles infrastructures, il n'en demeure pas moins que ces acquis ne seront pas à la hauteur des besoins. La surcharge dans laquelle évolueront élèves et enseignants -le ministre promet l'atténuation en cours de route-, aura certainement des effets négatifs sur tout le personnel de l'éducation. La situation ne manquera pas de pousser les responsables à procéder hâtivement à des opérations de «recasement». Ce qui se fait actuellement n'est qu'une course contre la montre pour réceptionner de nouvelles infrastructures. A ce propos, on fait état de la livraison de quelques classes sans que les travaux soient achevés, l'urgence étant de placer les collégiens. A ces derniers de subir les conditions de scolarisation défavorables. Le mal pèsera aussi sur les enseignants dont une partie sera désormais obligée d'assurer des cours dans deux établissements. Un enseignant du cycle moyen en a gros sur le cœur. Il exprime sa colère : «Après dix ans de service, je découvre ce mode d'enseignement. Ils m'ont astreint à donner des cours dans deux écoles. Figurez-vous que je fais un déplacement de plus de vingt kilomètres pour assurer deux séances par jour dans l'autre établissement. Ce n'est pas facile de supporter cela toute l'année.» Pour les syndicats autonomes, inscrits déjà sur le front de la contestation pour diverses revendications, la manière dont a été préparée la rentrée scolaire 2008/2009 «renseigne parfaitement sur ce que les responsables du secteur comptent faire de l'école». Si certains syndicalistes s'activent pour préparer un automne social chaud, d'autres ne cachent pas leur appréhension au sujet des conditions de travail auxquelles ils sont confrontés. «Je me demande comment on peut exiger des enseignants de former de brillants élèves dans de pareilles conditions. C'est antipédagogique ce qu'ils sont en train de faire. Alors que les nouvelles normes d'enseignement exigent de réduire le nombre d'élèves par classe pour pouvoir dispenser un savoir et des connaissances, nous sommes en phase de recul», annonce un membre d'un syndicat autonome activant dans la capitale. Les difficultés du préscolaire La surcharge n'est pas l'apanage du cycle moyen dans la mesure où le palier de base, à savoir le préscolaire, vit également la pression du nombre. Faute de places, des parents font le parcours du combattant à la recherche d'un établissement qui garantirait une année de préscolarité pour leur enfant âgé de 5 ans. Des enfants sont, par ailleurs, contraints de rester à la maison alors que la tutelle tente de mobiliser les moyens nécessaires pour réussir la généralisation, en Algérie, de ce nouveau type d'enseignement. Il semble, néanmoins, que le département de l'éducation peine à concrétiser ses prévisions en matière de places pédagogiques. C'est la raison qui a poussé manifestement M. Benbouzid à solliciter l'aide des responsables et des gérants des écoles privées. M. Benbouzid a appelé, dans une récente sortie médiatique, les responsables des établissements privés «à venir en aide au secteur public, notamment dans le domaine de l'enseignement préparatoire, que le ministère de tutelle entend généraliser à travers l'ensemble du territoire». Avant d'ajouter que son secteur «est prêt pour sa part à apporter son aide aux établissements privés à condition qu'ils s'engagent dans cette démarche éducative au profit de tous les enfants de l'Algérie». Le revirement de position du ministre à l'égard des écoles privées est un indice des grandes difficultés que rencontre la tutelle pour maîtriser l'enseignement préparatoire inscrit, rappelons-le, en droite ligne dans la réforme du système éducatif. Avec un effectif qui évolue de façon hétérogène -des écoles ont été fermées dans certaines localités faute d'élèves-, et représentant une moyenne de 60 %, l'enseignement préparatoire a besoin d'infrastructures répondant aux normes de formation de base. A Tlemcen, à titre d'exemple, 12 500 enfants sont inscrits dans les classes préparatoires pour l'année 2008/2009. Un chiffre qui s'est multiplié par trois comparativement à celui enregistré lors de la précédente année scolaire, selon les déclarations du directeur de l'éducation de la wilaya. Dans d'autres wilayas, la tendance est différente : l'évolution de l'enseignement préparatoire est insignifiante comme c'est le cas dans la wilaya de Tizi Ouzou qui a vu plusieurs écoles primaires fermer leurs portes. A. Y.