Synthèse Samira Imadalou Les nouvelles en provenance de la Somalie et des autres régions touchées par la sécheresse ne sont guère rassurantes. Les appels se multiplient pour venir en aide aux populations menacées en plus de la famine par de graves maladies. Plus d'un mois après la déclaration par l'ONU de l'état de famine dans deux régions du sud de la Somalie, deux nouvelles régions du sud de la Somalie seront prochainement classées en situation de famine par les Nations unies, s'ajoutant à cinq zones déjà reconnues comme telle. C'est dans ce contexte difficile ou tous les indicateurs sont au rouge et une semaine après la réunion des membres de l'Organisation de coopération islamique (OCI) qui s'étaient engagés à fournir 350 millions de dollars à la Somalie que les dirigeants africains sont invités aujourd'hui à lever des fonds pour les 12 millions de personnes touchées par la sécheresse en Afrique de l'Est et la famine dans le sud de la Somalie. Ces dirigeants se retrouveront lors d'une conférence au siège de l'Union africaine à Addis Abeba. C'est à l'issue de cette rencontre consacrée à l'annonce des contributions sur l'enveloppe globale fortement attendue du continent qui sera rendue publique. Une enveloppe dans les premières estimations fait part de la collecte de 50 millions de dollars, soit 25% du montant restant. Car, faut-il le rappeler, les besoins sont en effet énormes. Ils se chiffrent à 2,4 milliards de dollars et l'ONU n'a collecté pour l'heure que la moitié. Selon le bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU, 1,1 milliard doivent encore être financés. Les dirigeants africains, déjà critiquées par les groupements de société civile du continent pour leurs lenteurs, seront-ils à la hauteur de ces attentes ? En tout cas, ils sont appelés à faire des efforts. «Les pays africains doivent être à la pointe de la réponse à la sécheresse dans les pays touchés», est-il indiqué dans un communiqué de l'UA publié cette semaine. Pour sa part, le président de la commission de l'Union Africaine (UA), Jean Ping, a dans un communiqué lancé : «Je veux sonner le clairon pour que tous les Africains (...) agissent contre la faim en donnant de l'argent ou des biens en nature pour une assistance d'urgence et vitale à nos frères et soeurs de la Corne de l'Afrique». L'aggravation de la situation a, par ailleurs, fait réagir hier l'Union européenne qui a estimé que la communauté internationale avait «l'obligation morale» d'aider la Corne de l'Afrique. «Face à la pire sécheresse en 60 ans, plus de 12 millions de personnes en Somalie, au Kenya, en Ethiopie, en Erythrée et à Djibouti ont un besoin urgent de nourriture, d'eau et d'abris. La situation est grave et c'est une obligation morale de la communauté internationale d'offrir son aide», a écrit le chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, dans un communiqué. «L'UE est déterminée à le faire avec toute la gamme de soutien qu'elle peut offrir», a ajouté la haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères. L'UE a pour rappel augmenté le budget de l'aide humanitaire pour la Corne de l'Afrique en 2011 est de 97 à 158 millions d'euros et les différents Etats membres de l'UE apportent une aide supplémentaire de 440 millions d'euros. Ainsi, au total, l'UE s'est engagée à apporter une aide de plus de 680 millions d'euros jusqu'en 2013 à des programmes liés à la sécurité alimentaire au Kenya, en Ethiopie, en Erythrée, à Djibouti et en Somalie. Ce pays est le plus touché par la crise. La conjonction de la sécheresse et du conflit entre insurgés islamistes radicaux et gouvernement de transition ayant débouché sur la pire crise humanitaire enregistrée dans le pays depuis 1991-1992. D'ailleurs, l'ensemble du Sud du pays est susceptible d'être déclaré en état de famine dans les semaines à venir. Ce sont. 3,7 millions de personnes qui ont besoin d'une aide alimentaire en Somalie, soit la moitié de la population, et 12,4 millions de personnes sont touchées par la sécheresse dans tout l'Est de l'Afrique, selon les Nations unies. Sur les 2,8 millions de personnes nécessitant une aide d'urgence dans le sud de la Somalie, environ 450 000 sont touchés par la famine dont 190 000 de façon particulièrement aiguë.Globalement, ce sont 12,4 millions d'habitants de la Corne de l'Afrique qui sont touchés par une sécheresse de grande ampleur qui a décimé le bétail et réduit à néant les récoltes dans des régions sous-développées du sud de l'Ethiopie, de Djibouti, du nord du Kenya et du nord de l'Ouganda. D'autres pays risquent de rejoindre cette liste. A titre indicatif, l'état de famine répond à une définition stricte des Nations unies : au moins 20% des foyers confrontés à une grave pénurie alimentaire, 30% de la population en état de grave malnutrition, et un taux de mortalité quotidien de 2 sur 10 000 personnes. S. I. Chronologie de la crise humanitaire en Somalie 17 février : La malnutrition a augmenté au cours des six derniers mois dans le sud de la Somalie et plus de 30% de la population est confrontée à la crise, déclare la chef du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, Valérie Amos, de retour d'un voyage dans la région. 9 JUIN : MSF évoque une «situation humanitaire d'urgence» dans le camp de réfugiés de Dadaab (est du Kenya). 13 JUILLET : L'Unicef livre par avion une aide alimentaire et médicale à Baïdoa (centre), contrôlé par les insurgés somaliens shebab. 19 : Le HCR attire l'attention sur un camp de réfugiés somaliens en Ethiopie, où le taux de mortalité est particulièrement élevé. 22 : Le porte-parole des shebab déclare que «les groupes interdits précédemment ne sont pas les bienvenus pour travailler dans les zones sous notre contrôle». «Il y a une sécheresse en Somalie mais pas de famine», dit-t-il. 24 : Le CICR distribue près de 400 tonnes de nourriture dans le sud de la Somalie sous contrôle shebab. 25 : La Banque mondiale annonce l'octroi de plus de 500 millions de dollars. Réunion d'urgence convoquée par la FAO, mais les ONG critiquent les donateurs pour la faiblesse de leur engagement. 27 : Un premier avion du PAM débarque à Mogadiscio des suppléments nutritionnels pour les enfants souffrant de malnutrition. 29 : L'ONU demande 1,4 milliard de dollars supplémentaires. Les agences de l'ONU et leurs partenaires ont reçu un milliard de dollars des donateurs. 1er et 2 AOUT : L'Ouganda commence à être touché par la sécheresse (FAO). Les Etats-Unis ne poursuivront pas les humanitaires travaillant avec les shebab pour distribuer de la nourriture. 3 : L'ONU déclare trois nouvelles zones en état de famine en Somalie: le site de déplacés du corridor d'Afgoye, la communauté de déplacés de Mogadiscio et les districts de Balaad et d'Adale dans le Moyen Shabelle. Bakool et du Bas Shabelle (sud) ont été décrétées en état de famine le 20 juillet. 5 : Cinq morts à Mogadiscio lors d'une fusillade entre l'escorte de sécurité d'un convoi du PAM et des inconnus venus piller l'aide. 6 : Les insurgés islamistes shebab disent avoir abandonné leurs positions à Mogadiscio. 9 : Le gouvernement offre une amnistie aux shebab restés à Mogadiscio à la suite du retrait de la majorité des rebelles. 10 : Près de la moitié de la population (3,7 millions de personnes) menacée par la famine en Somalie (ONU). 11 : Washington va porter son aide à 580 millions de dollars. 17 : L'OCI, à Istanbul, va fournir 350 millions de dollars à la Somalie. 19 : Visite du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Mogadiscio. Crise en Somalie : une preuve de l'influence des variations climatiques sur les conflits La famine, doublée, en Somalie, d'une guerre civile, qui frappe la Corne de l'Afrique est un exemple-type des effets des variations du climat dont les causes sont naturelles, provoquant sécheresse et tensions dans une société déjà fragilisée, selon une étude publiée jeudi dernier. Ils ajoutent qu'il faudra aussi tirer les leçons des risques venant du réchauffement climatique entraîné, quant à lui, par la pollution industrielle. «L'étude montre indéniablement que même dans notre monde moderne les variations climatiques ont un impact sur la propension des gens à employer la violence», explique Mark Cane, climatologue de l'Observatoire de la Terre Lamont-Doherty auprès de la Columbia University de New York.