Correspondance particulière de Paris de Azeddine Lateb à quelques mètres de Censier, capitale de la gauche, s'élève majestueusement la mosquée de Paris, non pour concurrencer la Sorbonne Nouvelle sise à proximité, mais juste parapher la présence de Dieu sur cette terre pourtant réputée maudite. A l'entrée principale de la mosquée, quelques boîtes ajustées avec une enseigne, Zakat El Fitr 5 euros, interpelle les fidèles de ce devoir assurant un peu de vie aux déshérités. Les gens y circulent tous azimuts. Les va-et-vient donnent une idée sur l'ambiance des lieux. Avant d'atteindre la grande cour qui fait face à la salle de la prière, une exposition-vente de livres essentiellement religieux se tient depuis le 15 septembre dernier, les gens viennent et repartent, tantôt curieux par les livres et les petites choses exposés çà et là et tantôt accomplissent leurs prières ou rendent simplement une visite en touriste. Un patchwork livresque est au centre de la mosquée : Ibn Arabi, Ghazali, Djalal Ddin Rumi, Guennon, Martin Lings, Omar Khayyam, Sigrid Huke, Stépahane Ruspoli, Gibran, etc. Des CD, des livres de Coran et une espèce de parfumerie et lingerie musulmane ornent les lieux. Engoncés dans des habits immaculés, les deux imams de la mosquée répondent très généreusement à nos questions et diront leur joie de partager la parole de Dieu au milieu de la communauté musulmane à Paris. Dans un bureau peuplé de livres et dans une limpide langue, l'imam Bouzidi Djelloul explique le programme des activités et dira que la mosquée assure des cours quotidiens sur la prière, le jeûne, et les relations sociales, le respect et la fraternité, etc. et précise qu'avant la tenue de la prière de tarawih, l'imam qui assure la prière donne un cours sur diverses questions, l'éducation, le comportement et même des questions relevant de l'ghorba (l'exil), cela apaise les immigrés et les réconforte, dira-t-il. L'imam qui assure tarawih, Laaid Maïza, est venu avec une délégation algérienne d'environ 75 imams célébrer le Ramadhan au milieu de la communauté musulmane et que la mosquée de Paris délègue selon les dires de l'imam Djelloul Bouzidi. Ce jeune imam est enchanté par l'intérêt aigu que suscite l'islam en Europe et dira qu'il est aussi heureux de voir des aadjam venir accomplir la salat. Cette diversité est aussi une force de l'islam, dira-t-il. «Cela est aussi un signe révélateur sur la solidité et la profondeur des valeurs de l'islam. La communauté musulmane n'a pas fondu dans l'environnement européen, parce qu'elle est fière de sa religion», ajoute-t-il. Après la rupture du jeûne à la mosquée même où il y a un resto du cœur, les fidèles attendent le moment de la prière. L'imam Laaid dira qu'il y a des fidèles qui attendent jusqu'au tarawih. Ils viennent pour salat el maghreb et restent jusqu'à une heure tardive. A l'heure des tarawih, des ruées de fidèles affluent. Ils pénètrent la grande maison de Dieu et pressent le pas. Des files se dessinent sur tous les chemins qui mènent vers ce haut lieu du culte. Pas une cavalcade ni un marathon, seulement une brûlante envie d'entendre la parole de Dieu. On dirait même que c'est Alger qui se révèle sur ce bout de terre quoique la ressemblance ne tient pas la route. A part les quelques mendiants adossés aux murs de la mosquée guettant leur part du feu, un art fort répandu en Algérie. Rien n'indique la typographie ramadhanesque d'Alger. Les trottoirs ne sont pas envahis et la propreté est aux éclats. Interrogé sur l'ambiance du Ramadhan parisien, l'imam Laidi Maaezi dira que «ce partage console nos immigrés dans leurs dures conditions». Alors que les casinos sont en ivresse, plus loin, la Seine en détresse d'un hiver qui s'annonce torride, l'imam prêche la parole de Dieu. L'oreille en éveil, les fidèles écoutent. Un voyage à travers le Livre Saint. En même temps que les verres trinquent à la rue Mouffetard, les fronts s'adonnent au noble exercice de sillonner la terre de Croire. La prière accomplie, l'ambiance perdure autour de diverses palabres. Les fidèles prennent du thé.