Photo : M. Hacène Par Fodhil Belloul La littérature russe était à l'honneur vendredi dernier au Sila. Dans le cadre du café littéraire de cette 16ème édition, les organisateurs ont invité deux écrivains, German Sadulaev et Alexey Varmalov, pour parler de la production littéraire russe post-URSS. German Sadulaev nous vient de la ville de Saint-Pétersbourg. Né en 1973, d'un père tchétchène et d'une mère cosaque, il est l'auteur d'un premier ouvrage au titre pour le moins provocateur Radio F.U.C.K, présenté comme un «ensemble de contes traitant des situations vécues par la génération des trentenaires à Saint-Pétersbourg», et d'un second, paru en 2006, sous le titre Je suis tchétchène. Alexey Varmalov est né en 1963 ; il enseigne la littérature russe du début du 20ème siècle. Auteur de plusieurs biographies, dont celles de Tolstoï et de Mikhaïl Boulgakov, il fut primé à plusieurs reprises, notamment du prix Alexandre Soljenitsyne et du prix national de littérature Bolshaya Kniga. Le plus remarquable dans cette rencontre, modérée par Hassen Bendif, ancien directeur de la défunte Entreprise nationale du livre, est que les deux auteurs se réunissaient pour la première fois, comme quoi la Russie est tellement grande qu'il leur a fallu la contourner plusieurs milliers de kilomètres pour faire connaissance entre eux. Autant le dire aussi qu'une attente de presque une heure s'est imposée avant d'aborder à proprement parler le sujet de l'entretien, à savoir l'évocation des aspects les plus pertinents de la littérature russe post-soviétique. German Sadulaev a tenu en préambule à expliquer alors la réalité linguistique de la République Tchéchène, confédérée à la Russie. L'héritage russe, c'est à dire celui de la langue, serait selon lui comparable à l'héritage francophone en Algérie ; les deux cas produisant une littérature postcoloniale (terme à prendre, bien sûr, dans le cadre défini par l'université). Mais cette comparaison aurait une limite. En effet, la langue tchétchène n'est parlée que par 3 millions de locuteurs ; elle conduirait, toujours, selon M. Sadulaev, un écrivain qui souhaiterait écrire dans cette langue, à l'isolement, contrairement à la langue arabe qui, elle, s'ouvre à un public plus large. L'auteur poursuit son argumentaire en faveur de l'enseignement de la langue russe à travers le monde, avec, il faut le dire, une certaine nostalgie de l'époque soviétique, laquelle prenait des proportions inquiétantes lorsque le mot «propagande» fut prononcé pour évoquer le souhait de German Sadulaev de voir un centre culturel russe ouvert à Alger, comme c'est le cas en Egypte. Heureusement que Hassen Drif, en locuteur russe parfaitement à l'aise, est venu corriger ce manque de subtilité du traducteur, en employant à la place de «propagande» le mot de «vulgarisation». Il n'en reste pas moins que nous avions affaire à un fervent militant de la langue de Pouchkine. M. Varlamov avait, par contre, une attitude plus critique, quant à l'époque soviétique, l'évoquant d'une manière «plus douloureuse» et insistant sur l'exil forcé de ses compatriotes - les cas d'Alexandre Soljenitsyne et de Boris Pasternak étant à cet égard les plus éloquents. Il a fallu néanmoins attendre les interventions du public, dont quelques-unes en parfait russe, comme pour rappeler à M. Sadulaev que nous avons tout de même une université qui enseigne cette langue, sans pour autant céder le faire sur «un hôtel de ville» comme il l'aurait souhaité (ayant même promis d'en parler personnellement à Vladimir Poutine), pour entamer une vraie conversation sur la littérature russe d'aujourd'hui. L'une des premières remarques, et elle venait de d'Alexey Varlamov, est la réhabilitation de plusieurs auteurs après la chute de l'empire soviétique. Pasternak, Boulgakov, Tsvetaieva et Akhmatova sont autant d'auteurs redécouverts après 1989. Cela expliquerait la profusion de biographies de ces derniers sur le marché du livre russe. Ce marché serait aujourd'hui, toujours selon Alexey Varlamov, le véritable indicateur de l'état de la littérature russe. Après avoir été longtemps contrôlée et dirigée par le «Parti Etat», cette dernière obéirait, comme dans tout bon pays capitaliste, aux lois de l'offre et de la demande. S'en est suivie une polémique Russo-russe (ou Tchétchéno-russo-russe) entre les deux invités, qui, rappelons-nous, se voyaient pour la première fois au Sila, autour de tel ou tel autre écrivain. Une polémique sans doute très abstraite pour les auditeurs, tout comme la rencontre d'ailleurs, puisque le stand russe ne propose que des livres à l'exposition et non à la vente. Nous les avons donc crus sur parole.