Photo : M. Hacène Par Fodhil Belloul Vendredi dernier, jour de repos, le temps, assez clément à Alger, était propice à la détente. Et bien que celle-ci ne rime pas toujours avec culture, il y avait foule à l'esplanade de Riadh El Feth pour la 3e journée du Feliv. L'imposant chapiteau blanc, planté à quelques mètres du «Maqam», accueillait, par vagues successives, parents et enfants, retraités, artistes ou simples curieux. Venus pour découvrir ou acheter des livres pour enfants et adultes. Se poser, le temps d'une lecture de conte ou d'un atelier de dessin pour les plus jeunes, pendant que les moins jeunes profitent d'une dédicace ou d'un débat pour discuter avec des auteurs, ou alors simplement pour flâner entre les stands et se rafraîchir à une terrasse. L'ambiance était donc bon enfant pour cette troisième journée de festival. Le programme permettait, à première vue, de satisfaire les attentes des différentes catégories de visiteurs. Côté animations pour enfants, des ateliers permanents se tiennent également à la Place El Kettani de Bab El Oued. Un monde de couleurs et un monde de création tentent d'offrir aux plus petits un espace dans lequel «ils peuvent exprimer librement par le dessin ce qu'ils ont vu», c'est en tout cas ce que nous confie un jeune animateur. Organisés de 16h à 21h, ils permettent surtout aux parents de vaquer plus tranquillement à l'achat des livres. Alors, ateliers créatifs ou garderies à ciel ouvert ? A cette question, les organisateurs ont une réponse toute logique : vu le nombre très important de visiteurs, ces «ateliers tampon» permettent d'atténuer une trop grande affluence sur les autres activités. Nous comprenons mieux ce choix à voir deux stands plus loin, une véritable assemblée de têtes brunes, assises à même le sol et captivées par le conte que Khadidja Arous et Naïma Mahalia lisent dans le cadre d'un autre atelier, celui des Contes de la Bibliothèque Nationale. Le Feliv, c'est aussi de la littérature. Le débat organisé à 17h tentait de la mettre en rapport avec les médias. Modéré par le journaliste et écrivain Hamid Abd El Kader, la discussion a réuni le Libanais Pierre Abi Saab, l'Iranien Mussa Bidaj et l'Algérien Yacine Tamlali, pour confronter leurs visions respectives de la pratique du journalisme culturel et de la critique littéraire. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les avis étaient partagés et que des pistes de réflexion ont été ouvertes. Quel rôle joue un article de presse lorsqu'il évoque ou critique une œuvre littéraire ? Yacine Tamlali a regretté, sans doute à juste titre, que les formes littéraires, dans ce qu'elles peuvent nous communiquer sur l'évolution d'une littérature, d'éclaircissements majeurs qu'apporte un choix esthétique sur une époque donnée, ne soient pas assez prises en compte dans les colonnes de la presse culturelle, en Algérie et plus généralement dans le monde arabe. Il explique cette déficience de la critique par l'hégémonie d'un contexte social et politique dans ces pays. La réalité serait trop écrasante au point d'aveugler le journaliste quant à une prise en compte des choix formels d'un auteur, préférant une critique seulement thématique. Pierre Abi Saab s'est, quant à lui, interrogé sur l'impact des révoltes populaires dans les pays arabes sur l'exercice de la critique littéraire dans la presse. Le journaliste du quotidien libanais Al Akhbar a dressé un tableau peu complaisant - non sans s'en exclure - d'une élite coupée de son peuple, d'une critique littéraire cantonnée dans un vase clos, celui de se lire uniquement entre elles. Il a appelé de ses vœux à «l'invention d'un nouveau langage» journalistique, capable de mieux mesurer les attentes de la nouvelle génération. Il a aussi insisté sur la notion de «service culturel» que doit offrir le journaliste. Manière à peine voilée de remettre en cause l'ego trop imposant de certains de ses confrères. Enfin, Mussa Bidaj a exprimé une vision assez radicale. La littérature étant plus préoccupée par l'Histoire serait «trahie par le journalisme» qui ne s'occuperait par définition que du journalier.