Entretien réalisé par Amel Bouakba La Tribune : Le 7ème congrès de rhumatologie qui vient de se tenir à Alger a abordé plusieurs thèmes d'actualité par rapport aux rhumatismes inflammatoires…Quel bilan faites-vous de cette rencontre ? LE DOCTEUR TAREK KHALED : Le 7ème congrès de la Société Algérienne de rhumatologie, organisé à l'hôtel Sheraton, Club des pins (à Alger), a réuni pendant trois jours près de 500 professionnels de la santé, notamment des rhumatologues autour de thèmes d'actualité, dont les pathologies dégénératives et inflammatoires des articulations, les rhumatismes chez l'enfant, les cancers des os, la tuberculose ostéoarticulaire. Cette rencontre de haut niveau a également l'occasion de se pencher sur les thérapeutiques innovantes, en l'occurrence les biothérapies pour traiter les rhumatismes inflammatoires notamment la polyarthrite rhumatoïde (PR). Des spécialistes algériens, mais aussi tunisiens, canadiens, belges et français ont pris part à ce grand événement scientifique qui constitue aussi une sorte de formation continue pour les rhumatologues algériens puisqu'il leur permet de mettre à jour leurs connaissances et de s'enquérir des derniers traitements issues de la recherche. Quels sont les avantages des biothérapies ? Les malades algériens ont-ils accès à ces traitements ? Parmi l'un des sujets phares du congrès, les biothérapies. Elles représentent une révolution thérapeutique et un réel espoir pour des millions de malades, notamment ceux souffrant de PR, un rhumatisme très destructeur. Les biothérapies représentent ainsi une révolution thérapeutique et un réel espoir pour des millions de malades, notamment ceux souffrant de PR et leur offrent une réelle autonomie. Il faut savoir que contrairement aux autres médicaments antirhumatismaux, qui combattent l'action du système immunitaire de façon non spécifique, ces nouvelles thérapies sont conçues pour cibler plus précisément les substances responsables de l'inflammation et de la destruction articulaire. Les biothérapies permettent de stopper le processus de destruction du cartilage et freiner ainsi l'évolution de la maladie afin de prévenir le handicap, d'où l'intérêt de préconiser ces traitements tôt avant que ne s'étende la destruction ostéoarticulaire. Il est bon de souligner que les biothérapies ont été introduites en Algérie en 2007. Ce traitement est destiné aux malades réfractaires au traitement conventionnel, ceux qui ne sont pas soulagés par les traitements de fond (DMARD) comme le Méthotrexate. Mais attention, les biothérapies ne présentent pas que des avantages. En effet, on s'est rendu compte qu'en utilisant ce type de traitement, qui, rappelons le, présente des bénéfices extraordinaires sur la qualité de vie des patients, on peut exposer ces derniers à un risque infectieux accru et particulièrement la tuberculose lors de l'utilisation d'anti- TNF alpha, d'où l'importance d'instaurer avant tout traitement par biothérapie, un bilan préthérapeutique comportant notamment le test de dépistage de la tuberculose latente par l'intradermoréaction (IDR) à la tuberculine. Nous allons par ailleurs mettre en place le dosage du quantiféron afin de détecter la tuberculose. Il est ainsi important de recommander aux praticiens de rechercher tous signes de tuberculose active ou latente avant d'entamer le traitement par biothérapie. Il est utile de signaler que de nouvelles molécules ont été développées pour lutter contre ces maladies. Dans ce sens, le Tocilizumab, l'un des derniers nés des biothérapies, (il vient d'avoir une autorisation de mise sur le marché Algérien) a démontré son efficacité contre la PR et l'arthrite juvénile idiopathique, d'autant plus que ce médicament n'expose pas les patients au risque tuberculeux contrairement à anti-TNF alpha. Notons toutefois que les biothérapies qui sont des traitements hospitaliers extrêmement coûteux connaissent des ruptures de stock répétées au niveau des hôpitaux ce qui pénalisent les malades Algériens qui sont obligés d'interrompre leur traitement. Les infarctus et les accidents vasculaires cérébraux constituent aujourd'hui la principale cause de décès, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le risque cardio-vasculaire est particulièrement présent dans le cas des rhumatismes inflammatoires... Les rhumatismes inflammatoires et notamment la polyarthrite rhumatoïde sont associés à un risque cardiovasculaire. En fait, ces pathologies augmentent le risque cardiovasculaire, (RCV) c'est un fait confirmé par de nombreuses études scientifiques. Ce sujet a d'ailleurs fait l'objet de la communication que j'ai présenté lors du congrès. Il faut dire qu'en plus de s'attaquer aux articulations, les rhumatismes et notamment la PR touchent de plein fouet le coeur. La forte composante inflammatoire de cette maladie favorise les atteintes cardiovasculaires et la formation d'athérome (dépôt de graisse sur la paroi des artères). Le risque cardio-vasculaire est plus élevé dans la population souffrant d'un rhumatisme inflammatoire (surtout une PR). On estime à 59% l'augmentation de la mortalité par cardiopathie ischémique dans la population PR par rapport a la population normale. Ce risque est d'autant plus important quand la PR est ancienne, qu'il existe des manifestations extra-articulaires et que l'inflammation et mal ou non contrôlée par un traitement de fond. Il apparaît ainsi que les complications cardiovasculaires surviennent 10 ans plus tôt dans la population PR. Il faut souligner aussi que la PR doit être considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire aussi important que le diabète de type 2 d'où l'importance d'évaluer ce risque cardiovasculaire chez les patients souffrant d'une PR et rechercher les autres facteurs de risque classique comme l'HTA, le tabagisme, les antécédents familiaux de maladies cardiovasculaires, le diabète, hypercholestérolémie ..... Comment peut-on prévenir le risque cardiovasculaire dans ce cas ? Il est possible de réduire le risque cardiovasculaire en contrôlant l'inflammation de la PR grâce à l'utilisation d'un traitement de fond (MTX, SFZ…. biothérapies), en maîtrisant les différents facteurs de risque cardiovasculaire et en menant une vie saine (arrêt du tabac, régime alimentaire…), en évitant les traitements aggravant certains facteurs de risque comme les corticoïdes chez les diabétiques, de léflunomide en cas d'HTA. Il est également recommandé de prescrire les statines (médicaments qui réduisent le cholestérol et les autres graisses lipides présents dans l'organisme) si le risque cardiovasculaire est trop élevé même en dehors des dyslipidémies à cause de leur action bénéfique. Un mode de vie sain, associant une bonne alimentation et un exercice physique régulier, peut, par ailleurs réduire considérablement le risque d'accident cardiovasculaire. Le rhumatologue comme le diabétologue ou le cardiologue doit savoir prescrire les statines et s'assurer que les objectifs de prise en charge sont bien atteints, par la connaissance des règles de prescription. Le rôle du rhumatologue s'avère donc important pour déceler à temps les prémices des maladies rhumatismales et éviter des complications irréversibles ? Absolument. Le dépistage précoce revêt une importance cruciale. J'invite d'ailleurs nos confrères, les médecins généralistes à orienter les malades qui présentent des affections rhumatismales vers les rhumatologues (l'Algérie compte plus de 300 rhumatologues) afin que les patients soient pris en charge à temps. Une prise en charge rapide et adéquate est primordiale pour éviter des dommages graves et définitifs, voir un handicap nécessitant la pose d'une prothèse.