Plus de 50% de la population mondiale vit en zone urbaine, selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). D'ici à 2050, c'est 70% de la population mondiale qui vivra dans les villes. En Algérie, les statistiques donnent 60% d'habitants vivant dans les villes. D'ici à 2025, la population urbaine représentera environ 80% de la population algérienne. Cela représenterait 30 millions d'urbains, soit un peu moins que le nombre d'habitants actuel.Cette tendance à la généralisation de la vie en milieu urbain a poussé les planificateurs, les gouvernements et les concepteurs à construire de nouvelles villes, qu'ils «spécialisent» des fois (technopoles, agropoles), et/ou à étendre celles déjà existantes. Mais que ce soit une nouvelle cité ou l'extension d'une ville, il y a des règles d'aménagement, d'architecture, d'urbanisme et de fonctionnalité qui doivent être respectées, a fortiori quand il s'agit de greffer des unités immobilières sur un tissu urbain ayant ses caractéristiques architecturales, voire des repères historiques identitaires. L'intégration et l'harmonisation de l'ensemble (ville et extension) sont ainsi des impératifs qu'on ne peut ignorer, minimiser et encore moins sacrifier. Une ville doit, d'abord, répondre à tous les besoins de ses habitants. Un ensemble urbain doit donc offrir toutes les commodités de vie et avoir toutes les infrastructures nécessaires. Mais la fonctionnalité n'est pas la seule exigence. Elle est nécessaire mais pas suffisante. La beauté et l'esthétique d'un bâtiment contribuent à son intégration dans l'environnement, et donc à l'optimisation de sa fonctionnalité. Qu'en est-il en Algérie ? En quelques mots comme en mille, on peut dire qu'on a fait exactement le contraire, c'est-à-dire tout faux. Il n'est pas nécessaire d'être grand clerc, architecte chevronné ou urbaniste confirmé pour voir qu'on a fait n'importe quoi en termes d'extensions et d'aménagements urbains, à tel point qu'on peut tirer un trait, schématiquement, qui délimiterait le tissu urbain originel et les «ajouts» qu'on y a greffé. Le hiatus vous saute aux yeux tant le mélange des genres et la désharmonie sont flagrants. Quels rapports ont tous ces ensembles immobiliers à la périphérie de la capitale et des autres villes du pays avec les cachets architecturaux originels ? Aucun. Il est impossible de trouver le moindre trait commun entre l'architecture des cités de Bab Ezzouar, les lotissements de Dely Brahim, les nouveaux quartiers de la capitale et le centre-ville historique d'Alger. Des fois, on retrouve des «agressions» au sein même de la ville : une vieille bâtisse détruite et remplacée par un cube de béton, verre et aluminium incongru et tranchant parmi les autres constructions toutes en courbes, lignes fuyantes, encorbellements, corniches… Pourtant, harmoniser des constructions et respecter le cachet architectural, culturel et historique, d'une ville ne relèvent aucunement de l'irréalisable. La Grande-Poste est à ce titre un exemple concret et édifiant d'intégration et d'harmonisation. L'imposante bâtisse érigée entre 1910 et 1913 au cœur de la ville se distingue par deux caractéristiques : c'est la seule construction qui «dérange» l'agencement à angles droits de la place en étant positionnée de biais et son architecture néo-mauresque la fait ressortir du style haussmannien dominant, mais sans pour autant s'en couper. Il faut préciser que la Grande- Poste a été inscrite dans le projet du gouverneur général Charles Célestin Jonnart pour qui la réussite de la colonisation française en Algérie passait par le rapprochement culturel et religieux entre colonisateur et colonisés. Aussi, a-t-il décidé d'imposer un style architectural, le néo-mauresque, aux constructions publiques. C'est dire l'importance et la valeur du cachet architectural qui est complètement occulté. Le président de l'ordre des architectes comme de nombreux architectes ne cessent d'ailleurs de dénoncer leur exclusion de toutes les sphères décisionnelles et/ou instances consultatives qui agréent des projets immobiliers dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils sont une véritable atteinte à l'identité et à l'image de la ville. Quels repères civilisationnels et identitaires pourrions-nous avoir quand nous déracinons notre propre habitat de son substrat culturel ? N'est-ce pas aller d'un pas allègre vers la déculturation ? H. G.