Grands vainqueurs de la première étape des législatives égyptiennes, les islamistes sont de nouveau en position de force dans une nouvelle phase de la première élection depuis la chute du président Hosni Moubarak. Les opérations de vote entamées, hier, doivent se poursuivre, aujourd'hui jeudi, dans un tiers des gouvernorats du pays, notamment à Suez, Ismaïliya, Assouan et Guizeh. Un second tour doit avoir lieu les 21 et 22 décembre dans ces régions, qui comptent 18,8 millions d'électeurs. La formation des Frères musulmans, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), compte sur son avance lors du début du scrutin, organisé fin novembre dans d'autres régions, pour continuer de s'imposer. Le PLJ a fait campagne sur le mot d'ordre : «Continuons, pour un Parlement fort, qui réponde aux demandes, aux inquiétudes et aux priorités du peuple». La première phase du vote, qui avait concerné notamment Le Caire, Alexandrie ou Louxor, avait été marquée par un raz-de-marée des formations islamistes, qui avaient remporté au total 65% des suffrages. Les Frères musulmans étaient arrivés en tête avec 36% des voix, les salafistes, plus radicaux, réalisant une percée surprise avec 24% des suffrages. Frères musulmans et salafistes sont, toutefois, fréquemment apparus en rivalité pour le vote islamiste, et une éventuelle alliance parlementaire entre eux n'est pas acquise. Les formations laïques libérales, ainsi que les mouvements de jeunes issus de la révolte contre le régime Moubarak en début d'année se sont présentés morcelés et incapables de constituer une force pouvant contrer les islamistes. Le dernier tiers du pays votera en janvier pour élire ses députés, puis débutera jusqu'en mars l'élection du Majlis al-Choura (chambre haute consultative). Cette élection, dans un pays pionnier du «printemps arabe», fait suite à celles tenues en Tunisie et au Maroc, où les islamistes ont également remporté des succès. Le futur Parlement devra former une commission chargée de rédiger la nouvelle Constitution de l'Egypte, le pays le plus peuplé du monde arabe avec plus de 80 millions d'habitants. La perspective d'un Parlement contrôlé par les islamistes a provoqué l'inquiétude dans les milieux libéraux et la communauté copte, mais aussi au sein de l'armée qui dirige le pays depuis le départ de Moubarak. Une polémique oppose également l'armée aux Frères musulmans sur les prérogatives du Parlement, notamment à propos de la rédaction de la Constitution et de la cohabitation avec un exécutif aux mains des militaires, en attendant un président élu. Ce vote se déroule également dans un climat de grave crise économique, avec, notamment, une chute du tourisme et des investissements étrangers. Le Premier ministre récemment nommé par l'armée, Kamal el-Ganzouri, a estimé que la situation économique était «beaucoup plus grave que prévu». R. I.