La France s'est fourvoyée encore une fois dans un bourbier diplomatico-politique qui risque de lui coûter cher. L'adoption par l'Assemblée française d'une loi criminalisant la négation du génocide arménien a provoqué l'ire d'Ankara qui a réagi par le gel de toute coopération avec la France et la protestation des historiens qui y voient une immixtion des politiques dans leur travail universitaire et scientifique. La Turquie a rappelé son ambassadeur à Paris et a décidé de suspendre toute forme de coopération avec la France.Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre turc, a appelé la France à «assumer son propre passé», l'accusant d'avoir «commis un génocide en Algérie». «Les Algériens ont été brûlés collectivement dans des fours. Ils ont été martyrisés sans pitié», a-t-il affirmé, ajoutant qu'«on estime que 15% de la population algérienne a été massacrée par les Français à partir de 1945. Il s'agit d'un génocide». Il est pour le moins étonnant de voir Paris condamner les crimes de guerre commis par d'autres et refuse de reconnaître ses propres crimes dans ses anciennes colonies, et encore moins s'en repentir. A ce titre, l'excès de zèle des députés français confirme l'arrogance chronique d'un Establishment qui souffre d'un complexe de supériorité incurable et d'une cécité politique, puisqu'il compromet ses propres intérêts par son attitude hautaine et son mépris. Pour nier ses propres crimes, la France officielle trouve toujours des arguments qu'elle cherche dans son propre ego, mais les arguments des Turcs, s'agissant du prétendu génocide commis contre les Arméniens, sont irrecevables par la France qui en a décidé ainsi. Quand il s'agit des crimes coloniaux que les Algériens et les historiens rappellent à la France, les officiels français répondent par la nécessité de faire table rase du passé et d'ouvrir une nouvelle page. Cette attitude est assez révélatrice du mépris de l'Etat français à l'égard du peuple algérien et des victimes de sa politique coloniale qui se comptent par millions. Comme si les victimes arméniennes étaient plus importantes que les victimes algériennes et comme si le prétendu génocide commis par les Turcs était plus barbare que le génocide commis par la France en Algérie et dans toutes ses colonies. Aujourd'hui, Paris «regrette» la réaction turque. Mais à quoi s'attendent les autorités françaises ? A ce que la Turquie applaudisse et manifeste sa joie pour l'initiative puérile et politicienne d'une assemblée dont la majorité est aux abois en raison de sa déroute électorale, et d'une crise économique qui mine son assise sociale et politique ? Mais la France a toujours réglé ses problèmes internes en provoquant des crises diplomatiques pour appeler après la société française à l'union sacrée contre une menace extérieure. A. G.