Yennayer, la porte du nouvel an amazigh «Tabburt u seggas», célébré le 12 janvier de chaque année universelle, inaugure, cette année, l'an 2962 du calendrier amazigh, dont le décompte aurait commencé en l'an 950 avant le Christ, date de la victoire du roi berbère Chachnaq sur le pharaon d'Egypte Ramsès III. D'essence agraire, ce calendrier est basé sur les changements climatiques et les différents cycles de végétation qui déterminent les moments des travaux agricoles, rythmés par le positionnement des astres, comme celui de la lune et du soleil.Marquant l'avènement de la période séparant les deux cycles solaires, les solstices et les équinoxes, Yennayer signifie le début du calendrier agricole, donnant lieu, de nos jours encore, en Kabylie comme ailleurs, à la pratique de rites liés aux travaux agricoles rythmant la vie des paysans.D'ailleurs, une croyance populaire encore vivace, à travers toute l'Algérie, attribue l'origine de la célébration de cette manifestation à un mythe, selon lequel Yennayer aurait sollicité Furar (février) pour lui prêter un jour afin de punir une vieille femme qui se serait moquée de lui. Ce jour-là, dit-on, un violent orage se leva et poursuivit la vieille jusqu'à l'étouffer.Depuis, le destin de celle-ci continue de symboliser, d'après cette mythologie, le sort réservé à quiconque osera parodier la nature.Le nouvel an amazigh coïncide également avec la période de rupture des provisions que les ménages gardaient dans des amphores pour l'hiver, par mesure de prévoyance des disettes.Yennayer constitue une halte pour faire le «bilan» d'une année qui s'achève et la préparation d'une autre qui commence. L'occasion est surtout propice au renouvellement des forces spirituelles, par l'observation de rites et de sacrifices pour exorciser la faim et le malheur, et attirer l'abondance des récoltes. Cette finalité continue d'être à la base de la célébration de cette fête, quoique les formes diffèrent d'une région à une autre.Le rite le plus important et le plus répandu à travers les différentes régions du pays reste l'immolation d'animaux, dont notamment un coq, de préférence celui de ferme, élevé au grain. Par ces sacrifices sanglants «Asfel», on cherche à épargner le sang humain, mais aussi à féconder la terre, synonyme de prospérité.«Qui célèbre Yennayer, éloigne le mauvais £il et les infortunes», dit un adage populaire, d'où l'immolation d'un coq sur le linteau de la maison afin d'en éloigner le malheur et de dérouler le tapis au bien et à la fraternité.Le coq, immolé la veille de Yennayer, est destiné à la préparation du traditionnel dîner de Yennayer «Imensi n'Yennayer» , consommé en groupe dans un même plat. Il est admis que l'opportunité est toute indiquée pour sceller une réconciliation entre gens séparés par des brouilles.Le dîner servi, les membres de la famille se doivent de l'honorer en mangeant à satiété. C'est la maîtresse de maison qui invite les enfants à faire bombance, faute de quoi, les prévient-elle, la vieille de Yennayer viendra remplir leur ventre de paille et de foin. A la fin du repas, les enfants déclarent à l'unisson, en guise de bénédiction, «neçça, nerwa» (nous sommes repus).En la circonstance, on n'oublie pas également d'offrir des assiettées aux proches et aux voisins «thunticht». Même les absents ont leur part : des cuillères, symbolisant leur présence, et une ration leur sont laissées dans le plat collectif, censé rassembler tous les membres de la famille. Yennayer pour présager également le bonheur et la fécondité Les jours suivant ce dîner donnent lieu à la préparation d'autres mets, mais sans viande, à savoir «uftiyen», une sorte de soupe faite à base d'une mouture de pois-chiches, de blé et de fèves et autres céréales symbolisant la fécondité et l'abondance des récoltes, accompagnée de crêpes ou de beignets au miel, pour présager une année faite toute de douceur et de délicatesse. De même qu'on s'abstient de manger des aliments épicés ou amers, pour éviter d'avoir une année du même goût.La pratique d'autres rites, motivée également par le besoin de fécondité, est associée au cérémonial du présage du bonheur et de la prospérité, tel le fait de faire coïncider la célébration d'un mariage avec cet évènement synonyme de fécondité, ou de donner, à cette occasion, au dernier enfant né de la famille sa coupe de cheveux.Yennayer est également un rendez-vous avec la beauté que les femmes ne ratent pas pour se faire coquettes, en se fardant les yeux avec de l'antimoine «tazult» et en se maquillant les lèvres avec les racines du noyer «El djouz», alors que les filles marient leurs poupées et font la fête rogatoire de la pluie «Anzar», en promenant, de maison en maison, une grosse cuillère en bois habillée en mariée «Ghondja». Les céréales récoltées en la circonstance servent à préparer la soupe de Yennayer. Il est également d'usage de planter des tiges de laurier- rose dans les champs de culture, pour en évacuer les parasites dévastateurs des plants et des semences. De même qu'il est de tradition pour les ménages d'accueillir Yennayer, en procédant à l'embellissement des foyers et au changement de meubles, pour présager des nouvelles heureuses. APS