Les campagnes présidentielles françaises déteignent immanquablement sur les relations franco-algériennes. Depuis l'indépendance du pays en 1962, et à chaque pareille circonstance, le lourd contentieux colonial resurgit automatiquement sur fond de lutte politicienne pour se rallier la masse, encore passionnée, des rapatriés d'Algérie et des harkis. Porte-voix historique des nostalgiques de «l'Algérie de papa», le FN ne manque aucune occasion pour glorifier la colonisation et l'œuvre macabre des criminels de l'OAS. Durant les années 1960, 1970 et 1980, beaucoup d'autres politiques français ont indirectement surfé sur cette fibre sensible pour se faire élire ou occuper de hautes fonctions au sein de l'Etat. Depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, l'UMP, le parti de la majorité présidentielle, s'est quasiment approprié les mots d'ordre de l'extrême droite pour s'ériger en avocat des colonisateurs et des renégats algériens naturalisés français après la libération. Faute d'un assainissement de ce contentieux historique, les rapports entre les deux pays en pâtissent à chaque fois. La France, refusant toujours d'assumer son passé, s'est même offert le ridicule de pondre une loi honorant la mémoire des conquistadors et de leurs supplétifs locaux en 2004. Ce texte, adopté par l'Assemblée nationale française et dénoncé par de larges segments de la société civile de l'Hexagone, a nettement refroidi les liens bilatéraux en suscitant des réactions virulentes de ce côté-ci de la Méditerranée. Dans ses multiples déclarations sur le sujet, l'actuel président français, dont le père aurait été légionnaire en Algérie, insiste sur les bienfaits de la colonisation qu'il qualifie de mission civilisatrice. Ramant à contre-courant des conclusions historiques, Sarkozy fait part aujourd'hui de son désir de réhabiliter les sanguinaires de l'OAS qui ont semé la mort et la désolation au lendemain de la proclamation de l'indépendance de l'Algérie. Afin d'apaiser le climat des affaires entre les deux Etats, plusieurs émissaires de l'Elysée ont récemment fait le déplacement à Alger pour promettre le pragmatisme au service des intérêts communs du moment. Claude Guéant, Jean-Pierre Raffarin ou Alain Juppé ont, tour à tour, souligné la même volonté de laisser la mémoire aux historiens pour plancher sur des sujets concrets comme la coopération économique et commerciale ou les échanges interuniversitaires. Cela n'empêche pas le staff électoral de Sarkozy de remettre ça en enfonçant davantage le clou. Pour le cinquantenaire de l'indépendance algérienne, les partisans de Sarko préparent des cérémonies officielles à la mémoire des anciens occupants. «Les hommes et les femmes qui sont partis s'installer en Afrique du Nord [...], loin d'être frappés d'opprobre, méritent notre reconnaissance. En développant l'économie de ces nouveaux territoires, ils ont œuvré à la grandeur de la France», annonce Gérard Longuet, ministre de la Défense en exercice et lieutenant zélé du sarkozysme. D'autres figures proches du chef de l'Etat français promettent aussi des cérémonies grandioses, des festivités fastueuses et des monuments dédiés à la mémoire des colons. Loin de blanchir la hideuse façade de la France coloniale, cette énième «auto-absolution», aussi indélicate et indécente que les précédentes, traduit le complexe qui range de longue date beaucoup de dirigeants français qui prennent, gratuitement, une certaine «hauteur» par rapport aux colonies d'hier et d'aujourd'hui. Dans le cas qui nous préoccupe, cette fantaisie maladive retarde l'avènement du «partenariat privilégié» tant promis en pénalisant beaucoup de bonnes volontés de part et d'autre. K. A.