Rond-point de l'ancienne mairie de Tizi Ouzou. De loin, on aperçoit un éventail de cartes postales installé devant un magasin de produits artisanaux et traditionnels. Des cartes postales exposées à la vente qui, visiblement, n'attirent pas l'attention des gens de passage sur ce trottoir très fréquenté de la ville des genêts. En s'approchant du magasin, on comprend mieux pourquoi, ces quelques dizaines de cartes postales n'attirent même pas les regards des citoyens ou des clients éventuels. Exposées par paquets de huit à dix, les cartes se trouvent dans un état catastrophique. Un reliquat de la période d'or des cartes postales. Le temps a complètement changé leur forme et la poussière ambiante de Tizi Ouzou a définitivement changé leur couleur. Et ce n'est pas la cellophane, mise tardivement à première vue, qui va leur restituer leurs couleurs d'antan. En réalité, ces cartes postales sont exposées à la vente depuis plus de dix années. Et depuis ce temps-là, les cartes postales ne se vendent plus. «Elles sont démodées depuis l'introduction de l'Internet en Algérie», dit Djahid, un jeune photographe de la ville des genêts. En effet, depuis que les algériens ont découvert la carte virtuelle, la carte postale est devenue cet outil ringard de la présentation des vœux. Les gens n'achètent plus ce vecteur traditionnel de promotion touristique, se contentant de naviguer sur les différents sites sur le réseau des réseaux pour envoyer des vœux ou tout simplement faire un petit coucou. «C'est plus simple et moins coûteux», disent des personnes interrogées qui renvoient la balle aux pouvoirs publics qui n'ont pas daigné développer le tourisme, le seul facteur susceptible de faire renaître et de booster «l'industrie» de la carte postale. «Si l'on veut ressusciter la carte postale, il faudra réunir les conditions qui favoriseront la présence touristique dans la région. Ce sont les touristes, notamment étrangers, qui peuvent acheter des cartes postales et les envoyer dans leurs régions et/ou leurs pays respectifs», déclare un autre photographe de Tizi Ouzou qui dit se rappeler, avec une certaine amertume, que les cartes postales de Tizi Ouzou et même de la région de Kabylie entière étaient éditées dans d'autres wilayas du pays. Aujourd'hui, aucun éditeur n'acceptera de mettre de l'argent dans des cartes postales que personne n'achètera. C'est le constat fait par quelques photographes de Tizi Ouzou interrogés sur le sujet et qui, tout en reconnaissant que le créneau aurait pu être porteur pour eux, estiment que la photographie arrive à peine à faire vivre certains d'entre eux. Pour eux, la photographie est une passion et son introduction dans le circuit économique, informel certes, est limitée aux fêtes familiales pour lesquelles les professionnels sont parfois sollicités. Il est vrai que depuis la «socialisation» des appareils photos et de la photographie en général, même les fêtes familiales ne sont pas vraiment un créneau pour tous les photographes. Dans certaines manifestations culturelles, il est aussi fait appel à des professionnels de la photo, mais cela ne peut être rentable dans la mesure où les manifestations, susceptibles de faire appel à eux, ne sont pas assez nombreuses pour faire vivre les nombreux photographes, jeunes et anciens, de la wilaya de Tizi Ouzou. Dans cette situation, les photographes, du moins certains d'entre eux, auraient pu trouver leur salut dans la filière de la carte postale. Et pour eux, ce ne sont pas les paysages magiques de Kabylie et autres sites historiques et archéologiques qui manqueront à leur activité-passion. La chasse à l'image ne sera que plaisir et épanouissement qui déboucheront peut-être vers la renaissance de la défunte carte postale.