Les marchés ayant intégré la diminution du niveau d'extraction de l'organisation ont réagi à la baisse à cette réduction de l'offre. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a décidé hier de réduire sa production de brut de 1,5 million de barils par jour (Mbj) à partir du 1er novembre prochain. Cette décision qui a sanctionné les travaux de la réunion d'urgence de l'organisation à Vienne se veut une solution urgente contre la dégringolade des cours de l'or noir depuis trois mois. Les ministres du Pétrole s'étaient réunis ainsi pour tenter d'enrayer la chute des prix du pétrole qui a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis le 11 juillet où il avait atteint le seuil record de 147,50 dollars le baril. Contre toute attente, la mesure prise par les membres de l'Opep n'a fait, du moins pour le moment, qu'accentuer la chute des prix du baril. En effet, il est tombé hier dans la matinée à 61,08 dollars le baril à Londres, touchant son plus bas niveau depuis mars 2007. Puis est remonté à 62 dollars. Il a été coté également à 63,05 dollars le baril sur le marché new-yorkais, soit sa plus importante baisse depuis mai 2007. C'est dire que l'annonce de la diminution de la production de l'Opep n'a pas encore eu d'impact sur le marché international. Le ministre de l'Energie et des Mines et président de l'Opep, M. Chakib Khelil, a déclaré jeudi dans la capitale autrichienne que l'organisation doit “calibrer” sa décision de réduction de la production. En termes plus clairs, il estime que, trop modeste, cette baisse décevrait le marché et, trop brutale, elle risque d'aggraver la crise. En tentant d'éviter un tant soit peu le second scénario, c'est le premier qui s'est apparemment produit… Certes, il faut encore attendre quelques jours, voire des mois pour que le marché mondial réagisse et que les pays producteurs de l'organisation aient enfin concrétisé leur principal objectif de freiner la tendance baissière de leur brut. Néanmoins, les membres de l'Opep nourrissent de forts espoirs quant au redressement des cours dans une fourchette qui se situe entre 70 et 90 dollars le baril. Une chose est certaine, avec cette réduction, le plafond de production actuel passera de 28,8 Mbj à 27,3 Mbj. M. Chakib Khelil a souligné, à la veille de la rencontre, la complexité de la décision à pendre. La baisse, indique-t-il, devra éviter “de frapper l'économie mondiale, qui est déjà en assez mauvaise posture”, et en même temps stabiliser les prix du pétrole, tombés sous 70 dollars à Londres et à New York. “Nous devons vraiment calibrer notre décision, sans aller trop loin, ni dans un sens ni dans l'autre”, a-t-il poursuivi, car en réduisant trop brutalement sa production, l'Opep risque “d'aggraver la crise financière”. Pour lui, une baisse de 3 Mbj reste excessive. Mais, à l'inverse, une réduction trop modeste risque de n'avoir aucun impact sur les prix. Pis, leur écroulement se poursuivra de manière inéluctable. Les pays producteurs pourraient, de ce fait, être ajoutés à la liste des victimes de la crise financière. “Le marché a probablement intégré la baisse de production de l'Opep. Donc, si nous sommes inférieurs aux attentes du marché, nous allons voir les prix continuer à chuter”, avait prédit Chakib Khelil. À quelques jours avant sa tenue, les membres les plus durs de l'Opep ont exercé une pression pour que la réunion d'urgence aboutisse à une forte réduction de sa production de pétrole. L'Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe ont voulu, cependant, ménager les pays consommateurs plongés dans la crise financière. L'Organisation fait actuellement face, souligne un expert, à “son plus gros défi” depuis la crise asiatique il y a dix ans, où le prix du baril se situait à moins de 10 dollars. Car elle doit stopper la chute des prix pétroliers sans toutefois aggraver pour ses clients, les pays consommateurs, l'impact de la crise financière la plus grave depuis 1929. Par ailleurs, l'Opep a fixé les quotas de réduction pour chacun des 11 pays membres. Abstraction faite de l'Irak qui est exclu du système de quotas, l'Algérie réduira sa production de 71 000 Mbj, l'Arabie Saoudite, qui vient en tête de liste, assurera une baisse de 466 000 Mbj, suivie de l'Iran avec 199 000 Mbj, des Emirats arabes unis avec un quota de baisse de 134 000 Mbj, du Koweït et du Venezuela qui baisseront leur production respectivement de 132 000 et de 129 000 Mbj. Cette baisse devrait être “proportionnelle” à la production de chaque pays, a précisé le ministre saoudien du Pétrole, Ali El-Nouaïmi. Le président de l'Opep a précisé que la baisse n'était pas “seulement de 1,5 Mbj mais sera de l'ordre de 1,8 Mbj d'ici la fin de l'année”. M. Chakib Khelil tient compte, précise-t-il, des 300 000 Mbj qui, selon lui, sont déjà en train d'être retirés du marché par les pays membres. Abordant l'impact de la spéculation sur les prix du pétrole, le président de l'Opep a souligné que “les hedge funds (fonds spéculatifs) ont eu une grande responsabilité, d'abord dans la hausse (des prix) et ensuite dans le déclenchement de la baisse”, lorsqu'ils ont fermé leurs positions sur le marché pétrolier. Avec le départ des fonds, “ce sont l'offre et la demande qui affectent les prix, ce qui signifie que l'Opep, en agissant, peut avoir un impact sur les cours”, a-t-il noté. Par ailleurs, la Libye s'est prononcée favorable à une “énorme baisse” de la production de l'Opep, de 2 Mbj, selon le ministre libyen du Pétrole, Choukri Ghanem. “La crise financière a déjà un impact manifeste sur l'économie mondiale, réduisant la demande d'énergie en générale et de pétrole en particulier dans un marché déjà trop approvisionné”, précise l'Opep pour justifier sa décision. “L'Opep a assisté à un effondrement spectaculaire des prix sans précédent (...) qui met en danger l'existence de nombreux projets pétroliers et amène à en annuler d'autres, ce qui pourrait causer des pénuries d'offre à moyen terme”, affirme-t-on. Badreddine KHRIS