Photo : APS Le monde vit actuellement une crise financière d'une gravité exceptionnelle. Elle rappelle, par certains de ses aspects, les prémices de la grande dépression de 1929, notamment au niveau des principales places financières du monde. Partie de l'éclatement d'une bulle immobilière constituée par une distribution laxiste de crédits bancaires, fondée sur la pratique des subprimes, la crise est vite devenue financière et s'est propagée, tel un incendie, de Wall Street aux Bourses européennes et, dans une moindre mesure, asiatiques. Elle a entraîné dans son sillage faillites et nationalisations en série, fusion et plans de sauvetage de banques ou d'établissements financiers de réputation internationale. Aujourd'hui, la confiance est ébranlée sur le marché financier et dans ses institutions. Elle se traduit d'un côté par un assèchement des liquidités combien nécessaires à la croissance et, d'un autre côté, par le recul des Bourses des valeurs des nations, notamment les plus riches. Au total, il est permis d'affirmer maintenant que la dérégulation du marché financier, en général, et celui du crédit bancaire, en particulier, a donné libre cours à un libéralisme débridé et à une spéculation financière telle qu'elle menace à la fois l'économie réelle et l'équilibre de l'ensemble des sociétés humaines. En outre, l'histoire nous enseigne que dans les grandes crises économiques tout le monde est exposé mais les moins nantis subissent davantage et plus longtemps. Vous n'êtes pas sans savoir, cependant, que le monde actuel n'est plus celui des années «trente» quand la dépression économique avait fait des ravages. Aujourd'hui, la doctrine économique est plus affinée, tandis que les Etats sont beaucoup plus pourvus en termes de ressources et de méthodes de gouvernance. Cela vous explique pourquoi les gouvernements des principales puissances économiques et financières sont en concertation permanente dans le G8 et dans d'autres arènes pour trouver des réponses internationales et enrayer la crise en cours. Des plans de sauvetage sont ainsi mis en place dans les nations les plus exposées. Il s'agit, d'abord, de rassurer leurs opinions en restaurant la confiance sur le marché, puis de réhabiliter les institutions financières, en particulier bancaires, et, surtout, de booster l'économie réelle pour éloigner le spectre de la récession économique et sauvegarder le niveau de vie de leurs citoyens. Ces mesures vont sans doute diminuer les risques d'une aggravation majeure de la crise. Elles auraient même un mérite d'en atténuer les effets immédiats, mais elles ne dispenseront pas des restructurations indispensables au niveau des différentes sphères de l'économie, de la finance et de la gouvernance des systèmes pour en améliorer l'efficience, nécessaire au développement de toutes les nations. Ce qu'il y a de précieux dans cette phase où il est utile de tirer les enseignements de la crise, c'est de focaliser notre attention sur les responsabilités de la communauté internationale pour donner un sens et une consistance à l'objectif de gouvernance financière mondiale. Certains économistes, parmi les plus distingués, ont déjà évoqué un nouveau Bretton Woods. Pourquoi pas ? A condition qu'on aboutisse à la mise en place d'un système qui permettrait l'émergence d'une instance internationale de régulation et de surveillance qui veillerait à maintenir éloignés les désordres et les risques systémiques quels qu'en soient les auteurs et les causes. Une telle instance ne serait que la traduction honnête et conséquente des très nombreux engagements de la communauté internationale pris, notamment, au sommet du Millénaire, dans le cadre du G8 ou à la conférence de Monterrey sur le financement du développement. A cet égard, la tenue, le mois prochain à Doha, de la conférence chargée d'examiner la mise en œuvre du consensus de Monterrey nous semble une excellente opportunité de progresser vers cet objectif. Dans la perspective de la mise en place de cette future instance, il me paraît fondamental qu'une participation pleine et entière des pays en développement soit garantie. Ceci n'est pas seulement une exigence d'équité et d'équilibre entre les intérêts et les problématiques des pays industrialisés et ceux des pays en voie de développement, c'est aussi un impératif de réalisme et d'efficacité. «A quelque chose malheur est bon», dit l'adage populaire. Que cette crise soit, en effet, une occasion propice à la réforme de l'architecture du système monétaire et financier international que les pays du Sud appellent de leurs vœux depuis les années «soixante-dix». Que cela soit l'occasion tant attendue de mettre en place un système monétaire et financier international transparent, juste et équitable où chacun aurait sa place et qui permettrait aux pays en développement, notamment africains, de bénéficier, enfin, des bienfaits de la mondialisation et, plus concrètement, de recevoir plus d'aide publique et plus d'IDE, pour faire face plus efficacement à leur entreprise de développement et lutter avec plus de succès contre la maladie, l'ignorance et la pauvreté.