Photo : Riad Par Samir Ould Ali Le drame algérien dans l'écriture de son Histoire se trouverait-il dans l'absence de médiatisation des écrits de nombreux chercheurs plutôt que dans un supposé dilettantisme dont les historiens seraient coupables ? Les bibliothèques des universités contiendraient-elles des thèses et recherches sur la Révolution qui mériteraient de sortir au grand jour ? «Assurément, estime un enseignant universitaire de Sidi Bel-Abbès. Il y a de nombreux travaux qui ont été menés sur la Guerre de Libération nationale mais jusqu'ici, l'Etat n'a pas encouragé ce type de recherche et les médias ne s'y intéressent que très modérément. Voilà pourquoi nous avons cette impression que les Algériens ne produisent pas, il faut être universitaire ou proche de ce milieu pour avoir une idée précise de ce qui se fait.» Un léger retour en arrière, en ce 19 mars commémorant le 50ème anniversaire du cessez-le-feu, permet de constater qu'un certain nombre d'écrits autour de la Guerre de Libération nationale ont, en effet, été écrits et des recherches conduites à Oran par des universitaires mais n'ont pas bénéficié de la médiatisation que pareil thème devrait normalement susciter dans un pays aussi jeune. Pour ne citer que ceux qui ont été brièvement mis en lumière par les médias de l'époque mais qui bénéficient aujourd'hui de plus de visibilité grâce à Internet, feu Yahia Bouaziz, décédé en 2007, laisse un important héritage bibliographique dont : «L'Emir Abdelkader, leader du combat algérien», «La lutte algérienne à travers les archives», «Les guerres de la résistance algérienne telles que présentées dans les écrits occidentaux français», «Les révoltes en Algérie au cours des 19e et 20e siècles»… et d'autres encore que les jeunes Algériens avouent ne pas connaître : Sai Fatima-Zohra, maîtresse de conférences en sciences politiques à l'université d'Oran qui s'est particulièrement intéressée aux femmes à travers le «Mouvement et question féminine» (1984) ou le «Statut personnel pendant la période coloniale» (2010), Belkacemi Boualem, de la faculté des Sciences humaines de la même université qui, lui, s'est notamment penché sur «Les Spécificités et particularités de la révolte de Ouled Sidi Cheikh», Hassan Remaoun, enseignant-chercheur à la faculté des Sciences sociales de l'Université d'Oran et au Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) qui a coécrit avec l'historien français Gilles Maceron «L'enseignement de la Guerre de Libération nationale (1954-1962), dans les anciens et nouveaux manuels algériens d'Histoire. Un enjeu pour l'affirmation d'une culture de la citoyenneté», Fouad Soufi, conservateur en chef aux Archives nationales d'Alger et chercheur au Crasc qui a contribué à l'écriture collective de «La guerre d'Algérie dans la mémoire et l'imaginaire», recueil de textes publié en France en 2004… et d'autres chercheurs et universitaires qui depuis l'indépendance ont, à un moment donné, tenté de restituer un pan de la grande Histoire, soit à travers toutes formes de publications : «Malheureusement, au lieu d'être lus, étudiés et critiqués, beaucoup d'écrits sont remisés dans l'oubli,» continue notre interlocuteur qui, sans nier les insuffisances quantitative (on n'écrit jamais assez sur l'Histoire) et qualitative (en terme de rigueur scientifique) conteste: «On ne peut pas dire que rien n'a été fait en matière de restitution de l'Histoire. Le problème réside beaucoup plus dans la vulgarisation et la mauvaise volonté des pouvoirs publics.» Avec la commémoration du cinquantenaire de l'Indépendance, il serait peut-être utile de dépoussiérer les documents qui ont pu être écrits mais mis sous le boisseau par des responsables un peu trop frileux. La compréhension et l'acceptation du passé pour mieux appréhender l'avenir est à ce prix.