Bien malin qui pourra dire ce que sera demain au Mali. A la rébellion targuie au Nord, vient s'ajouter un autre facteur d'instabilité avec le putsch mené par des militaires contre le président Amadou Toumani Touré, auquel ils reprochent de ne pas avoir donné à l'armée les moyens nécessaires pour combattre les rebelles. Pour redresser la barre, les putschistes n'ont rien trouvé de mieux que de renverser le président et d'installer à la tête de l'Etat un Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (Cnrdr) présidé par un capitaine. Quant à la suite des événements, c'est le brouillard total. Les chefs du Cnrdr ont bien promis de remettre le pouvoir à un président démocratiquement élu «dès que le pays sera réunifié». Mais, hormis cette déclaration d'intention, ils n'ont aucun programme clair ni stratégie. Pis, leur coup de force a provoqué le chaos dans le pays. Sur le terrain, des militaires se sont livrés à des pillages et vols à Bamako alors que dans le Nord, les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla), profitant de la confusion régnant dans la capitale, ont progressé en direction du Sud en s'emparant de positions abandonnées par les forces gouvernementales depuis le putsch. Rendant la situation plus explosive, des rumeurs courent sur l'imminence d'un contre-putsch que mèneraient les militaires loyalistes qui ont mis à l'abri et protègent le président Touré, lequel, selon l'Union africaine, se trouverait non loin de Bamako. Sur le plan politique, ce n'est guère plus reluisant. Le Cnrdr est isolé. 10 partis politiques, dont l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), principale formation du pays, ont condamné le coup d'Etat tandis que l'Union africaine a suspendu le Mali de ses instances. A l'échelle internationale, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a exclu de reconnaître la junte tandis que les Nations unies, les Etats-Unis et la France ont condamné le coup d'Etat. Economiquement, le Mali se trouve également dans une mauvaise posture. La Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la Commission européenne ont toutes suspendu leurs aides financières. Le Mali se retrouve ainsi miné et scindé entre deux forces qui ne présentent aucune solution viable pour le pays. La rébellion dit vouloir mettre sur pied un Etat indépendant s'étendant sur le nord du pays, mais n'a aucun programme, et la junte militaire affirme vouloir construire une démocratie et se dit même prête à négocier avec les rebelles, mais ces derniers ne lui reconnaissent aucune légitimité ni représentativité et elle ne bénéficie d'aucun soutien interne ou externe. Acculé et condamné par les instances politiques et économiques internationales, le Cnrdr s'est isolé un peu plus en décidant de fermer les frontières du pays, décision politique qui, même si elle n'a aucun impact réel sur le terrain, enfonce le Mali plus profondément dans l'incertitude, avec tous les risques de voir l'insécurité et la criminalité s'accroître dans l'ensemble du Sahel. H. G.