Confusion. C'est le mot qui revenait le plus, hier, au sujet du Mali où des rumeurs de contre-putsch étaient alimentées par l'absence de nouvelles du président Amadou Toumani Touré (ATT). La seule chose certaine est que les putschistes ne le détiennent pas, ce qui constitue une grande faille pour ces derniers, qui font face à un double isolement interne et international. Les auteurs du coup d'Etat -et le discours confus du capitaine Amadou Sanogo qui fait office de chef de la junte l'accrédite n'ont pas les idées claires sur ce qu'ils comptent faire du pays. L'écrasante majorité de la classe politique malienne a condamné le coup d'Etat tandis que la pression internationale s'accentue pour un retour rapide à la légalité constitutionnelle. L'Union africaine a suspendu le Mali de ses instances. Le président de la Commission africaine, Jean Ping, a indiqué avoir reçu des informations selon lesquelles ATT «était en sécurité sous la protection de soldats loyalistes». Il a précisé qu'il se trouvait «non loin de Bamako d'après les informations que nous avons obtenues de la part des soldats qui le protègent». Avec ATT libre et protégé par des soldats loyalistes, les 'Bérets Rouges'', son corps d'origine, le coup d'Etat n'est pas achevé et rien n'indique qu'il ne tournera pas au fiasco. Ou pire, cela n'est pas exclu, le pays risque d'aller vers une situation des plus chaotiques. Une aubaine pour la rébellion au nord qui ne peut que profiter de la crise qui se déroule à Bamako. Certains affirment que des négociations seraient en cours entre ATT et les mutins. Mais il était difficile d'affirmer avec certitude que l'une ou l'autre partie détient de manière effective les leviers de l'Etat. «TOUT VA BIEN» En réponse aux rumeurs de contre-putsch, la junte a répondu que «tout va bien» et que la situation était «sous contrôle». Le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, a promis de mettre fin au pillage et s'est dit ouvert aux négociations. Encore faut-il qu'il trouve des interlocuteurs au Mali. Les hauts gradés de l'armée tirent-ils les ficelles ? s'abstiennent de rallier les mutins tandis que les responsables de la classe politique malienne sont ouvertement hostiles. Certains n'hésitent pas à parler d'un échec du putsch, puisque le ralliement de la totalité de l'armée dont les déconvenues face à la rébellion au nord ont été invoquées par les auteurs du putsch ne s'est pas réalisé. Les putschistes, des militaires de rang subalterne, paraissent inexpérimentés. Ils comptaient surfer sur le mécontentement de la population contre la gestion de la crise au nord par ATT. En vain. Une dizaine de formations politiques dont le principal parti du pays, l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), ont condamné le coup d'Etat et réclamé la tenue d'élections. «Les signataires (...) condamnent cette prise de pouvoir par la force qui constitue un revers majeur pour notre démocratie». Ils demandent à ce que le «rétablissement de la paix dans le nord du pays et l'organisation d'élections libres et transparentes soient les deux priorités du moment». En outre, les pillages commis par les soldats contre des stations-service et des magasins et les exactions qu'ils commettent ne sont pas faits pour susciter une adhésion de la population. LA REBELLION ENCERCLE KIDAL C'est la peur qui domine et une crainte d'un dérapage vers le chaos. Les Maliens connaissent la pénurie de pain et de carburant. Le prix de l'essence a doublé en 24 heures pour atteindre près de deux euros. Les commerçants n'ont pas ouvert leurs boutiques. Au nord, les rebelles du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) entendent profiter de la situation de chaos régnant à Bamako pour pousser leur avantage sur le terrain. Les rebelles encerclent la ville de Kidal, a indiqué Mahamadou Belco Maiga, président du conseil régional de la ville. «La rébellion encercle la ville mais nous avons des hommes qui sont très déterminés à résister», a-t-il ajouté, en présentant comme un repli tactique l'abandon de la ville d'Anefis, à une centaine de kilomètres en direction du sud-ouest. Les responsables politiques de la rébellion tirent un avantage tactique de la confusion qui règne en exigeant des conditions préalables aux négociations avec Bamako. «Le dépositaire de l'autorité doit être clairement identifié, représentatif et bénéficier du soutien de l'ensemble de la classe politique et nous devons obtenir des garanties de la part des grandes puissances», a dit Hama Ag Mahmoud. A l'extérieur, la junte est totalement isolée et condamnée. Le Mali est dans l'incertitude la plus totale avec une rébellion au nord qui avance ses pions alors qu'à Bamako, le risque de chaos est plus fort que jamais.