L'évolution de la crise dans le Nord-Mali, a généré une situation de pourrissement favorable à tous les facteurs de déstabilisation et d'insécurité qui menace les pays voisins. Aqmi qui a investi le Sahel, notamment le Nord-Mali depuis au moins 2007, n'a jamais constitué une menace réelle pour le régime malien. En revanche, la rébellion touareg a toujours été considérée par Bamako comme un affront qu'il fallait mater à tout prix. Le coup de force du capitaine Sanogo, n'est pas un échec comme tentent de le créditer certaines thèses. Officiellement, le putsch visait à écarter un président incapable de faire face à la rébellion touarègue. Etrangement, juste après le coup d'Etat, l'armée déserte ses postes à Kidal, Gao et Tombouctou pour laisser le champ libre au Mnla, mais aussi et surtout à Ansar Eddine, le Mujao et Aqmi pour mieux entretenir l'amalgame et mettre les groupes terroristes et la rébellion touarègue dans le même panier. D'ailleurs Sanogo l'a clairement déclaré dans un entretien au journal Libération lorsqu'il a dit qu'il ne faisait aucune distinction entre le Mnla et les groupes islamistes, appelant l'Occident à intervenir directement pour sauver le Mali du terrorisme. Les groupes terroristes installés dans le nord du Mali n'ont été inquiétés que rarement par l'armée malienne qui se soucie plus des Touareg qui revendiquaient l'amélioration de leurs conditions sociales et économiques et leurs droits politiques, que d'une nébuleuse terroriste qui n'a aucune revendication politique de nature à menacer le régime de Bamako. Des pontes du régime font même des affaires juteuses avec tous les groupes terroristes et les trafiquants activant dans la bande sahélo-saharienne. La prise d'otages et le trafic de drogue, de cigarettes, d'armes et de carburant sont des activités très lucratives où beaucoup de monde trouvait son compte, y compris des responsables militaires et politiques maliens. Des indiscrétions de personnes qui suivent de très près la situation au Mali évoquent même une rançon remise par une partie française à Amadou Toumani Touré juste avant le coup d'Etat, pour la libération des otages français détenus par Aqmi. Cette somme d'argent ne suffit certes pas pour renverser un régime et créer le chaos. Il ne s'agit là que de la cerise sur le gâteau. L'objectif stratégique étant de générer une situation ingérable qui ferait bouger les instances internationales et donner un mandat onusien pour une intervention étrangère dans le Nord-Mali pour mettre un terme à la rébellion touareg qui menace le pays de partition. Les terroristes en terrain conquis Depuis pratiquement sa proclamation en 2007, Aqmi a fait du Nord-Mali son terrain de prédilection et ce avant qu'il ne se renforce et qu'il ne commence à s'implanter durablement dans la région. Des observateurs ont attiré l'attention de l'Etat malien sur le risque que peut constituer l'enracinement d'Aqmi dans cet espace immense, mais Bamako a fait preuve d'un laxisme complice qui a permis à la nébuleuse terroriste de tisser sa toile et d'étendre sa zone d'influence non seulement territoriale mais surtout sociale à travers les alliances de sang établies avec certaines tribus et familles targuies. Au lieu d'agir dès le début contre la tumeur terroriste, le Mali a préféré tergiverser et laisser Aqmi prendre racine. L'implantation du groupe terroriste du Gspc a coïncidé avec la rébellion des Touareg en 2006. Le 23 mai 2006, Ibrahim Ag Bahanga prend part à l'attaque de deux garnisons à Kidal et Minéka aux côtés du lieutenant-colonel Hassan Fegaga, rejoints par l'ex-rebelle historique Iyad ag Ghali et de Ahmed Ag Biib. Ensemble, ils fondent l' Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC). À ce titre, Bahanga adhère pleinement aux Accords d'Alger passés entre le gouvernement malien et la rébellion touarègue. Il devient membre du Haut conseil aux collectivités au même titre que Iyad ag Ghali. Le non-respect par les autorités maliennes des termes des Accords d'Alger, a poussé Bahanga à reprendre les armes en mai 2007, avant de créer en septembre de la même année l'Alliance touarègue du Nord-Mali pour le changement et entrer en guerre contre l'armée malienne pendant un an. Il attaque en mai 2008 le poste militaire d'Abeïbara et en décembre de la même année il donne l'assaut contre la garnison de Nampala. Des milices soutenues par l'armée le chassent finalement du territoire malien. En février 2009, il se retrouve minoritaire dans l'Alliance démocratique du 23-Mai pour le changement qui accepte de réintégrer le cadre des Accords d'Alger. L'armée malienne harcèle et pilonne ses positions restantes, ses campements sont détruits, Ibrahim Ag Bahanga est en fuite et part en Libye. Début janvier 2011, après deux ans d'exil en Libye, il est revenu au Nord-Mali. En Libye, il s'était allié avec des vétérans de la rébellion de 1990 qui étaient devenus officiers de l'armée libyenne, tels que le colonel Mohamed Ag Najim. Il les a convaincu de rentrer au Mali avec le maximum d'armes et, pendant l'été 2011, des déserteurs touareg se rendaient, armés, au Mali. L'étrange accident où Bahanga perd la vie, n'a pas mis un terme aux revendications des Touareg qui allaient se radicaliser et passer de revendications socio-économiques à l'indépendance de l'Azawad. C'est dans ce contexte de crise politique chronique, qu'Aqmi et les différents groupes terroristes se sont greffés à un espace miné ouvert à toutes les manipulations et instrumentalisations.
La position des pays du champ La réunion de Nouakchott a permis la clarification des positions de chacun des pays membres du champ sahélo-saharien. Les ministres des Affaires étrangères des pays membres du champ (Algérie, Mali, Niger et Mauritanie) ont «fermement» condamné dimanche à Nouakchott, (Mauritanie) le renversement du pouvoir légitime en place au Mali et exigé le rétablissement de la légalité constitutionnelle dans ce pays. Dans une déclaration, à l'issue de cette rencontre consacrée à l'examen de la gravité de la situation en République du Mali et dans la région sahélo- saharienne, dont les effets négatifs menacent la stabilité et la sécurité des Etats de la sous région, MM. Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Mohamed Bazoum, ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération, de l'Intégration africaine et des Nigériens à l'extérieur et, Hamadi Ould Baba Ould Hamadi, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération de Mauritanie, «ont fermement condamné le renversement du pouvoir légitime en place au Mali et exigé le rétablissement de la légalité constitutionnelle dans ce pays». Les ministres «ont rappelé leur attachement aux principes du respect de l'intangibilité des frontières, de l'intégrité territoriale et de la souveraineté des Etats, édictés dans les chartes de l'Union africaine et des Nations unies». Ils ont catégoriquement «rejeté la proclamation unilatérale d'indépendance de l'Azawad» et réaffirmé «leur attachement à l'unité, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale du Mali». Ils ont également «dénoncé avec la dernière énergie la violation des locaux du consulat d'Algérie à Gao et l'enlèvement de diplomates algériens dont ils exigent la libération immédiate et inconditionnelle». Les participants à cette rencontre ont par ailleurs «salué l'accord intervenu entre la Cédéao et la Junte militaire rétablissant l'ordre constitutionnel et mettant en place une présidence intérimaire en vue de constituer un gouvernement civil et d'organiser des élections libres, transparentes et démocratiques sur l'ensemble du territoire malien». En outre les ministres «saluent le retour à l'ordre constitutionnel et appellent à la formation rapide d'un gouvernement malien fort et consensuel qui puisse faire face aux défis que connaît le Mali». Tout en prenant acte des résolutions et recommandations adoptées par la Cédéao, l'Union africaine et les Nations unies, les ministres ont appelé également à «l'amorce d'un processus de négociations entre le Gouvernement malien et la rébellion», en exprimant à cet égard «leur disponibilité à accompagner ce processus pour parvenir à une solution politique dans le respect de l'unité nationale et de l'intégrité territoriale du Mali». Ils ont appelé par la même occasion le Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cémoc) et l'Unité de fusion et de liaison (UFL) à «se réunir d'urgence pour procéder à une évaluation de la situation dans le nord du Mali et examiner les mesures appropriées». Saluant l'intérêt de la communauté internationale pour la résolution de la crise malienne les ministres des pays du champ ont rappelé «la détermination de leurs pays à poursuivre le combat contre le terrorisme et le crime transnational organisé, qui restent une menace permanente pour la stabilité régionale, aggravée en l'occurrence par les derniers événements». Les signataires de la déclaration de Nouakchott «ont exprimé leur préoccupation face à l'urgence humanitaire créée par la situation dans le nord du Mali», et ont appelé la communauté internationale «à augmenter son aide et son assistance au profit des populations réfugiées et des personnes déplacées». Les ministres des Affaires étrangères des pays du champ ont été reçus, en marge de leur réunion, par le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, auquel ils ont fait un exposé sur le déroulement de leurs travaux et bénéficié de ses orientations et recommandations. A. G.
Vingt otages aux mains d'Aqmi et du Mujao au Sahel Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et un groupe dissident, le Mujao, détiennent actuellement 20 otages au Sahel : treize Européens enlevés dans trois pays de la région et sept diplomates algériens kidnappés dans le nord du Mali tombé aux mains de rebelles touareg et de groupes islamistes. Otages detenus par Al-Qaida au maghreb islamique (Aqmi) - 16 sept 2010 : Sept personnes -cinq Français, un Togolais et un Malgache- collaborateurs du groupe nucléaire public français Areva et de son sous-traitant Satom, sont enlevées à Arlit, un site d'extraction d'uranium dans le nord du Niger. Aqmi revendique le rapt le 21 septembre. La Française, malade, et les otages malgache et togolais sont relâchés le 24 février 2011. Le 7 octobre 2011, un membre de l'équipe chargée de négocier assure que les quatre otages «se portent bien» mais que «leur libération coince sur la question du retrait des troupes françaises d'Afghanistan». - 2 fév 2011: Une touriste italienne, qui voyageait avec un chauffeur et un guide, est enlevée dans le sud de l'Algérie. Le 18, elle indique dans un enregistrement audio être aux mains d'Aqmi. Des preuves de vie ont été par la suite diffusées sous forme de vidéo. - 24 nov 2011: Deux Français, qui se présentaient comme des géologues, sont enlevés à leur hôtel d'Hombori, entre Mopti et Gao, dans le nord du Mali. Le 9 décembre, Aqmi fait publier deux photos des deux otages, venant en appui d'un communiqué publié la veille revendiquant l'enlèvement. - 25 nov 2011: Trois Européens, un Suédois, un Néerlandais et un Britannique ayant aussi la nationalité sud-africaine, sont enlevés et un quatrième - un Allemand- est tué en tentant de résister à son enlèvement à Tombouctou dans le nord du Mali. Les 8-9 décembre, Aqmi revendique les enlèvements puis fait publier des photos des otages.
Otages detenus par le Mouvement pour l'unicite et le Jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) - 23 oct 2011: Trois coopérants, deux Espagnols et une Italienne, sont enlevés dans un camp de réfugiés sahraoui près de Tindouf (ouest de l'Algérie), fief des indépendantistes du Front Polisario. L'enlèvement est revendiqué en décembre par le Mujao, qui diffuse une vidéo des otages. Dans une autre vidéo, des membres du Mujao exposent leur idéologie, se référant à Oussama Ben Laden, chef d'Al-Qaïda tué par l'armée américaine au Pakistan, et à des figures historiques de l'islam en Afrique de l'Ouest. - 5 avr 2012: Le consul d'Algérie et six membres de sa mission sont enlevés à Gao, ville du nord-est du Mali prise récemment, comme l'ensemble de la région, par la rébellion touarègue et des groupes islamistes. Le 8 avril, le Mujao revendique le rapt. Par ailleurs, un ingénieur allemand a été enlevé le 26 janvier 2012 dans la périphérie de Kano (nord du Nigeria). Le 21 mars, Aqmi a annoncé dans un communiqué et une vidéo détenir l'ingénieur qu'elle veut échanger contre une «musulmane» emprisonnée en Allemagne.