Photo : M.Hacène De notre correspondant à Annaba Mohamed Rhamnai
Les grèves à répétition qui ont secoué dernièrement le secteur de l'éducation pénalisent sérieusement les élèves, particulièrement ceux des classes d'examen qui auront à affronter les épreuves du baccalauréat en fin d'année scolaire. L'inquiétude des parents quant à l'avenir de leurs enfants a amené ces derniers à se déplacer au niveau des établissements scolaires pour s'informer de près sur la situation et s'assurer que les examens prévus en fin d'année n'intègrent pas des cours non dispensés du fait des 2 grèves qui ont marqué cette année. Certaines familles aisées ont inscrit leurs enfants pour des cours particuliers dans des écoles privées ou chez des enseignants du secondaire qui, pour ce type d'activité, ne rechignent pas, bien au contraire, ils en redemandent. Pour les autres, tous les autres, c'est la débrouille, on se met en groupe et on révise ensemble dans les bibliothèques et dans les salles de cours dans les lycées. A Annaba, comme partout ailleurs, l'arrêt des cours pour les élèves de terminale était prévu pour le 30 avril. De septembre à cette date butoir, avec les grèves qui ont émaillé cette période, les jours fériés, les absences des enseignants, les inondations de certains établissements, les élèves n'ont pas vraiment engrangé de connaissances et un savoir qui leur permettraient d'affronter et réussir les épreuves du baccalauréat prévues pour le 3 juin. Il reste juste un mois devant eux pour essayer de rattraper les retards et en même temps réviser les cours pour bien asseoir les notions censées être acquises. Au niveau de la Direction de l'éducation, des instructions fermes ont été données aux chefs d'établissement pour soutenir toute initiative des enseignants en vue de dispenser des cours de soutien aux élèves, ceci en dehors des cours de rattrapage programmés. Les lycées resteront ouverts aux candidats scolarisés jusqu'à la veille de la date de l'examen pour leur permettre de réviser dans de bonnes conditions et ainsi mettre toutes les chances de leur côté. La commission nationale du suivi de l'exécution des programmes fixera le seuil des cours pour chaque filière et matière à partir duquel les sujets d'examen seront confectionnés. Ce seuil sera transmis aux élèves qui sauront ainsi ce qu'ils auront à revoir au cours de leurs révisions et pourront de la sorte s'organiser de façon à mettre à profit le mois qui reste. Cependant, les parents restent sceptiques ; «Déjà en temps normal, avec la qualité médiocre de l'enseignement dispensé, le taux de réussite au baccalauréat est catastrophique, alors avec ces grèves et ces absences ce sera pire, nous dit un parent d'élève rencontré à la sortie d'un lycée du centre-ville, maintenant c'est du n'importe quoi, un baccalauréat auquel on fixe le nombre de cours est amputé et n'a plus la valeur d'autrefois, ce qui place nos bacheliers au bas de l'échelle par rapport à ceux des autres pays. C'est inadmissible, il faut trouver une solution définitive et régler le problème des grèves, il y va de l'avenir du pays».Les enseignants ne l'entendent pas de cette oreille et mettent tout sur le dos des réformes qui n'ont fait qu'abaisser le niveau depuis qu'elles ont été introduites «A chaque fois, on nous ramène un système éducatif importé et on nous dit qu'il marche bien dans tel ou tel pays, finalement c'est le fiasco chez nous et on le supprime pour en adopter un autre tout aussi obsolète et qui, lui non plus, ne donne rien ou plutôt détruit ce qui existe déjà. Tous ces systèmes ne peuvent rien apporter de bon, il nous faut un système algérien qui prenne en compte la nature de la société algérienne, la mentalité qui prévaut, l'évolution des enfants dans leurs milieux sociaux, la psycholinguistique et la sociolinguistique appliquées à l'apprenant algérien et de là, élaborer des programmes de formation où l'on intégrera les connaissances nécessaires qui seront facilement assimilées et acceptées», nous a confié un professeur d'histoire et de géographie. Un autre nous dira qu'«accuser les enseignants c'est facile et qu'ils ne sont que les boucs émissaires qui payent l'échec de politiques de l'éducation qui ont fait dégringoler le niveau de l'enseignement. Le discrédit jeté sur le baccalauréat, les rappels à l'ordre de l'Unesco, le niveau qui baisse d'année en année, ne sont pas de la responsabilité des enseignants, ces derniers appliquent à la lettre les instructions officielles, ils suivent un programme élaboré par le ministère et ils font de leur mieux pour l'exécuter. Pourquoi est-ce que dans les années 70 et 80, l'enseignement en Algérie avait formé des générations entières qui dirigent aujourd'hui le pays et qui ont des compétences certaines au niveau international et aujourd'hui, il n'y en a plus ? Il nous faut faire un diagnostic général de la situation de l'enseignement, des assises nationales qui mettent le doigt sur ce qui ne marche pas, sur ce qui a (bousillé) l'enseignement et de là apporter les corrections nécessaires en y mettant tous les moyens à même de redresser la situation. Quant aux grèves, elles sont tout à fait normales, les enseignants ont le droit de revendiquer et de manifester leur mécontentement face à leur situation socioprofessionnelle. Cela ne compromet pas la formation des élèves puisque des rattrapages sont programmés et suivis», nous dit un enseignant de mathématiques.Entre les explications des uns et l'inquiétude des autres, le fait est là, un baccalauréat qui n'a plus la valeur d'antan, des élèves qui désertent les cours dès la mi- avril, des parents qui s'inquiètent, une administration qui tente de colmater les brèches et un taux de réussite catastrophique. Il y a urgence et les pouvoirs publics devraient se pencher sur ce secteur stratégique dont dépend l'avenir du pays.