Photo : Riad Par Amirouche Yazid à quelques heures de sa fin, la campagne électorale pour les élections législatives du 10 mai n'aura pas emballé la population. Ce n'est que résultat logique pour un scrutin qui se tient dans une conjoncture interne faite d'apolitisme et de violence. Faute donc de politique, c'est la violence qui prend les rênes. Jijel a enterré son fils immolé, la Kabylie recense ses kidnappés-libérés, le football collectionne ses violences hebdomadaires. Et les militants solidaires avec un des leurs, condamné, - pour attroupement illicite, paraît-il -, se font dispersés dans la violence. Pendant ce temps, il est proposé aux Algériens de croire à une animation politique qui donnera jour à un Parlement pluraliste. Or, une telle finalité est quasiment impossible dans la configuration algérienne qui se distingue par une vie politique artificielle. Les 15 jours de campagne sont ainsi venus prouver que les Algériens ont été mis loin de la politique. Cela se vérifie manifestement à travers les discours développés par les candidats en compétition. Exemple parmi d'autres, cette «phrase du jour» prononcée par un chef de parti dont la présence ne se manifeste que lors des périodes électorales. «Le peuple algérien doit se diriger en masse aux urnes, le 10 mai prochain pour réaliser le changement auquel l'Algérie aspire», a déclaré le docteur Ali Zeghdoud, président du Rassemblement algérien (RA) dans un meeting à Skikda. Ali Boukhezna, le SG du Mouvement de l'entente nationale (MEN) est aussi dans la même logique que Zeghdoud. A Bouira, il a soutenu que «voter aux législatives du 10 mai est un devoir sacré et une opportunité pour concrétiser les aspirations des citoyens qui n'ont pas pu être réalisées à ce jours». Sans aucune exception, les candidats font d'une participation massive des électeurs une constante de campagne. Tout le monde appréhende donc l'abstention, particulièrement les officiels qui ne cessent d'appeler les Algériens à voter. Force est de constater cependant qu'un travail de persuasion ne donne pas l'effet escompté quand une dynamique politique fait défaut. Car, il ne faut pas perdre de vue qu'une quinzaine de jours de rencontres et de meetings ne peut pas remplacer une tradition d'exercice politique. Or, l'Algérie a divorcé avec la chose politique depuis deux décennies. Aujourd'hui, nous constatons les conséquences avec, comme face visible, l'incapacité des néo-acteurs politiques à mobiliser les citoyens. Annonçant souvent des promesses sans lendemain, ils font des particularités régionales un fonds électoral. Nous avons ainsi vu des chefs de parti faire de la question identitaire leur priorité quand ils s'expriment en Kabylie et plaider pour la répartition équitable des richesses lorsqu'ils sont à l'œuvre dans une ville à fortes richesses souterraines. Même la date du 3 mai, coïncidant avec la célébration de la Journée de la liberté de la presse, a été évoquée par les candidats en lice au moment où les journalistes eux-mêmes se sentent gênés de parler de la situation de leur profession. Il est aussi courant d'entendre les représentants des partis promettre de grands changements avec l'élection d'une nouvelle composante parlementaire. Ce qui est surréaliste quand on sait le poids nul de l'APN dans l'exercice du pouvoir en Algérie. Et dans ce même registre de démagogie, vous pouvez entendre le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, exprimer son vœu de «réformer l'administration publique». Tenu par un Premier ministre, le propos laisse sans voix. Abdelaziz Belkhadem, du FLN, évoque, pour sa part, le poids de son parti et son apport pour «la stabilité, la cohésion et la prospérité» de l'Algérie. Le chef de l'ancien parti unique n'hésite pas, tenez-vous bien, à lier le sort de l'Algérie à celui du FLN. Mais Belkhadem, en voulant apporter des précisions sur les luttes organiques qui traversent le FLN, se livre à des aveux. Il est ainsi «étonné du comportement de ceux qui ont tourné le dos au FLN après avoir accédé à des postes de responsabilité», dit-il. En définitive, le discours politique de cette campagne électorale est un ensemble de promesses que leurs auteurs ne peuvent pas tenir et de démagogie que d'aucuns croyaient disparue chez les politiques. Mais, un tel appauvrissement du discours politique n'est guère étranger à la dépolitisation en marche.