La vague verte prédite inondera-t-elle l'assemblée nationale ? La lame qui a franchi allègrement les pays voisins après la chute des régimes en place dans ce qui est appelé «le printemps arabe», reste suspendue aux bulletins de votes qui rempliront -où pas- les urnes des législatives d'aujourd'hui. Dans cette course vers la députation, six partis politiques se réclamant de la mouvance islamiste modérée (style AKP turque, un phénomène de mode) font face à d'autres nationalistes, démocrates, socialistes ou travaillistes. Durant la campagne électorale de vingt jours, ces partis islamistes se sont évertués à démontrer leur force de mobilisation dans les salles et lieux publics. Malgré les comptes-rendus des médias et des images sur Internet, affichant des chefs de partis vilipendés et chassés par la population –ce sort n'était d'ailleurs pas réservé à cette coloration politique seulement-, ces partis annoncent un raz-de-marée islamiste à l'APN. «Notre unique concurrent c'est la fraude», s'enorgueillit Bouguera Soltani, président du Mouvement de la société pour la paix (MSP) jadis membre de l'Alliance présidentielle, aujourd'hui de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV). L'AAV née en mars 2012 et compte, également, les partis El Islah et Ennahdha, revendique d'ores et déjà entre 22% et 25% sièges dans une assemblée qui en comptera 462. Moins «visionnaires», les autres partis de la mouvance islamiste, à l'image du Front pour la justice et le développement (FJD), du Front pour le changement (FC) ou du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), n'en revendiquent pas moins d'adhésion populaire et comptent sur la «dynamique» régionale du changement pour décrocher le sésame de l'APN. Si ces partis politiques se disent d'obédience islamiste, ils se sont évertués durant toute la campagne électorale à se démarquer du radicalisme, en évitant d'aborder les sujets à polémique tels que l'application de la Charia, le foulard ou la liberté du culte. Ils accuseront les autres partis d'ailleurs, de mener campagne contre eux en tentant de les diaboliser. Quelles seraient les conséquences d'une majorité islamiste à l'APN ? Si le mode de fonctionnement actuel du régime algérien persiste, l'assemblée nationale n'a qu'un rôle d'observateur sans voix et avec un Premier ministre (et non chef de gouvernement) désigné pour appliquer le programme du président, les verts (islamistes et non écologistes) verront leurs prérogatives très limitées. Mais dans l'optique de réviser la Constitution, (c'est-à-dire un pouvoir constituant originaire pour revoir toute la constitution, ou dérivé pour un changement moins radical), les islamistes ont prêché leur préférence. Loin d'agiter le slogan anxieux de «l'Etat islamique» - l'enseignement a été tiré de l'expérience du FIS dissous- et dans un discours empreint de populisme, ils revendiquent tous un changement de régime. «On veut un changement radical des hommes, du gouvernement, du parlement, des programmes politiques dans le respect de la volonté du peuple», annonce Abdelmadjid Menasera, du Front du Changement. «Un état fondé sur la déclaration du 1er Novembre et un projet islamique authentique», prône Abdellah Djaballah du FJD. L'AAV va encore plus loin en préconisant la suppression pure et simple du Sénat, un régime parlementaire et un nouveau découpage territorial. Ainsi, les partis islamistes légaux algériens, qui se démarquent des salafistes jouent pleinement des outils démocratiques en se réclamant républicains, nationalistes et prônant un changement pacifique pour le développement du pays. Il reste à savoir comment les verts muriront au sein de la nouvelle APN à deux années des présidentielles. S. A.