Tout ça pour ça, dirait-on. Rebelote, dirions-nous encore. Donc, Moussa El hadj, c'est El Hadj Moussa. Comme toujours, selon l'adage populaire, c'est Hmida qui distribue les cartes, c'est encore Hmida qui joue et c'est toujours le même Hmida qui compte les coups. Décidément, en Algérie, le soleil électoral se lève toujours à l'Est ! Les résultats officiels des législatives du 10 mai 2012 ont donné, dans l'ordre, le tiercé gagnant FLN-RND-Alliance Verte islamiste, clone presque parfait de la défunte Alliance Présidentielle qui regroupait le FLN, le RND et le MSP, aujourd'hui un des trois membres de l'Alliance Verte. On dirait qu'on a assisté à un remake algérien du Film Le Guépard de Luchino Visconti où un des personnages dit à un autre que «si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change !» C'est l'aboutissement de toute révolution qui correspond alors à une rotation comme lors de la révolution de la terre autour du soleil, qui revient toujours à son point de départ. Et c'est bien ce qu'il s'est passé le 1O mai où tout a bougé pour que finalement rien ne change. L'échec politique renouvelé a ainsi gagné les législatives et le statu quo ante est reconduit. Avec les mêmes rôles principaux, mais avec de nouveaux acteurs de composition et de nouveaux comparses qui entrent dans une APN en mosaïque. Il est vrai que le film électoral a été réalisé dans de bonnes conditions, sans accrocs majeurs, même si quelques cabotins ont joué les pitres sur une scène qui n'a pas manqué de baladins et autres loustics de tout poil. Il est tout aussi vrai que la nouvelle APN est considérablement féminisée. 145 nouvelles députées sur 462 représentants, nombre qui tranche nettement avec le chiffre riquiqui de 31 femmes sur les 389 sièges que comptait l'assemblée sortante. C'est indéniablement une belle avancée. La nouvelle APN compte également beaucoup de jeunes, de nombreuses nouvelles figures et, hélas, quelques députés sortants de bien mauvaise réputation. C'est bien mais ce n'est pas l'essentiel. Le résultat principal de ces élections, c'est finalement le score étique des islamistes qui totalisent 61 sièges, dont 48 pour l'Alliance Verte composée du MSP, d'Ennahda et d'El-Islah. Soit 7 sièges de moins que le RND, seconde force de l'Assemblée derrière le FLN auquel il manque 11 sièges pour constituer à lui seul la majorité. C'est une sacrée défaite politique pour les islamistes qui doivent être verts de dépit après cette déculottée électorale qui confirme que l'Algérie est décidément une exception dans le monde arabe. Les législatives du 10 mai intervenaient dans un contexte politique post-printemps arabe favorable aux islamistes en Tunisie, en Egypte et, à des degrés moindres, au Maroc. En Algérie, c'est un vote légitimiste qui s'est exprimé. Il a réduit les islamistes à la portion congrue électorale, ce qui semble traduire un net affaiblissement de leur influence politique. Le terrorisme islamiste et l'islamisme gestionnaire qui est impliqué dans la mal-gouvernance du pays et dans les affaires, expliquent notamment le fort recul de la mouvance islamiste algérienne. Ce qui n'est pas le cas en Egypte, en Tunisie et au Maroc où l'islamisme n'a pas sombré dans la violence terroriste et ne s'est pas compromis dans la gestion des affaires publiques. En 1991, ce fut un vote-sanction et en 2012, c'est un vote-refuge, selon le ministre de l'Intérieur Daho Ould Kablia. Le vote légitimiste, par excellence celui de la ruralité, des petites et moyennes villes et des séniors, a donc sanctionné les islamistes et reconduit en même temps le statu quo politique. Le printemps démocratique arabe est finalement un printemps politique pour le régime qui en sort conforté. Le vote légitimiste, qui renforce le régime, exprime, paradoxalement, un refus de changement démocratique. Sinon comment expliquer la reconduction de l'ordre politique antérieur ? Le très faible score des islamistes ? Et, par conséquent, le peu de poids conféré aux autres partis qui seraient incapables, même en nouant des alliances, de constituer un solide contrepoids au binôme FLN-RND ? Le vote du parti des 42,36 % de participationnistes est en quelque sorte un vote négatif. A l'inverse, l'abstention, largement majoritaire dans le pays, a exprimé une triple défiance à l'égard du régime, des islamistes et de toutes les autres offres politiques. Le parti des indexes propres, qui ne portent pas l'encre bleue «indélébile» des votants, a, paradoxalement, manifesté un silencieux et profond désir de changement démocratique. L'abstention est donc un vote positif. Le président de la République, qui a souhaité faire des législatives du 10 mai l'alpha et l'oméga de la catharsis démocratique algérienne, devrait écouter, entendre et comprendre le sens des messages paradoxaux envoyés par les votants et les abstentionnistes. A commencer par réfléchir à l'idée de confier la révision de la Constitution à une APN certes relookée mais qui est un avatar électoral, une réincarnation politique de sa devancière. Confier aux Hadj Moussa de naguère et de maintenant la réforme de la Constitution, c'est prendre le risque de la vider de son sens démocratique. M. Abdelaziz Bouteflika, qui est profondément habité par le désir de quitter la scène politique par la grande porte de l'Histoire, ne prendrait pas ce risque. Il aura juste à se risquer à s'adresser au peuple en faisant adopter sa réforme constitutionnelle par référendum. Ce jour-là, le parti des indexes propres irait massivement les «salir» d'encre «indélébile». En ce jour, le président de la République ne serait pas montré du doigt et ne se mordrait pas les doigts. N. K.