Matérielle ou immatérielle, la richesse culturelle de l'Algérie est incommensurable, un territoire immense, des ethnies d'origine hétéroclite et un patrimoine grandeur nature qui s'étend sur des millions de kilomètres et dont chaque parcelle raconte «son histoire». C'est un carrefour de civilisations qui se sont succédé, l'une venant supplanter l'autre, préservant ce qui est pour léguer à son tour son savoir et sa culture à celles suivantes. Un effet boule de neige qui s'est accumulé à travers les âges pour s'étaler aujourd'hui sous différentes formes suscitant l'admiration et la curiosité. A Souk-Ahras, anciennement Taghaste, à Madaure, Khémissa (Thubursicum Numidarum) ou à Tiffech, les vestiges de ces civilisations – romaines, byzantines ou islamiques – se dressent encore défiant le temps et les hommes pour témoigner de ces temps immémoriaux qui ont vu ce pays marquer de son empreinte la civilisation humaine et s'affirmer en tant qu'entité composant le patrimoine mondial.Mais toute cette richesse longtemps reléguée au second plan puis abandonnée a subi bien des sévices par ignorance ou cupidité, dégradation, vandalisme ou trafic de pièces archéologiques qui enrichissent des musées étrangers ou des collections privées soustrayant à l'Algérie une partie de son histoire plus que millénaire et qui disparaît ainsi par la faute de ceux-là mêmes censés protéger et préserver «ce qui reste».Du côté de Madaure, c'est l'histoire de l'Algérie du temps de Saint Augustin, de l'époque romaine, qui se décline à perte de vue, un grand livre ouvert qui témoigne de toute une époque où l'Université, la première d'Afrique, rayonnait sur le monde antique. Les ruines de ce site archéologique qui s'étalent sur plusieurs hectares ont reçu à maintes reprises la visite de trafiquants qui se sont servis ; statuettes, mosaïques, pièces en bronze et autres trésors ont pris le chemin des frontières tunisiennes toutes proches pour se retrouver de l'autre côté de la Méditerranée. Un crime contre l'Histoire, contre l'identité de tout un peuple dont les repères commencent à s'estomper et à s'évanouir dans les plis du temps parce que des ignares, des trafiquants sans scrupules, s'en sont emparés pour s'enrichir, une richesse éphémère, puisque limitée dans l'espace et dans le temps, tout en détruisant une richesse intemporelle qui est la propriété inaliénable de tout un peuple. Dernièrement, lors de la visite de la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, dans la région de Souk-Ahras, la décision de renforcer la surveillance de ces sites a été prise afin de préserver ce patrimoine de toute forme de trafics ou de vols et mettre à l'abri ce qui a été épargné par ces mains incultes. Ainsi, 23 nouveaux gardiens ont été recrutés, ils viennent s'ajouter aux 29 autres affectés à Khémissa, Madaure, Tiffech et Taoura.Pour rappel, rien qu'en 2012, «la saignée» a concerné pas moins de 9 statuettes en cuivre et en bronze, 70 pièces numismatiques, une lampe à huile et une épée datant du XIXe siècle. Cela bien sûr n'est que la face visible de l'iceberg, le nombre de pièces archéologiques qui a pris le chemin des frontières est bien supérieur à ce chiffre, car les trésors que recèlent ces sites sont l'objet de convoitises de trafiquants de tous bords qui trouvent toujours le moyen de s'en emparer.