La Tribune : L'APN entamera dans quelques jours la mandature 2012-2017. Que peut signifier un renouvellement de la composante d'une Assemblée où se jouera, officiellement, le projet portant révision de la Constitution ? Noureddine Benissad : Il faut savoir que pour la révision constitutionnelle, deux cas sont prévus par les articles 174 et 177 de la Constitution. Le premier cas : la révision constitutionnelle est décidée à l'initiative du président de la République. Elle est votée en termes identiques par l'Assemblée populaire nationale et le Conseil de la nation dans les mêmes conditions qu'un texte législatif. Elle est ensuite soumise par référendum à l'approbation du peuple après son adoption. Le deuxième cas de figure est que les trois-quarts des membres des deux Chambres du parlement (APN et Conseil de la nation) réunis ensemble peuvent proposer une révision constitutionnelle et la présenter au président de la République, qui peut la soumettre à référendum. L'exercice de cette dernière variante me semble difficile à faire aboutir pour plusieurs raisons. D'abord, c'est une procédure qui n'a jamais été mise en œuvre. Ensuite, la majorité constituée par le FLN et le RND, l'émiettement des autres partis politiques, des indépendants ainsi que le tiers bloquant présidentiel au niveau du Conseil de la nation sont des obstacles majeurs. Enfin, le président de la République n'est pas dans l'obligation de soumettre la proposition d'une révision constitutionnelle à référendum conformément à l'article 177 de la Constitution.
Une APN élue avec 43% des suffrages est-elle représentative pour mener une telle mission ? Si on retient le taux de participation officiel qui est de 43%, il faut déduire les bulletins nuls ou blancs qui sont de l'ordre de 1 700 000 en sachant que le FLN qui a obtenu officiellement 221 sièges, c'est-à-dire la majorité relative n'a eu que 1 300 000 voix. Le calcul est très simple à faire.
Cette nouvelle APN est dominée par une majorité FLN-RND et aussi par des contestations de la part d'autres partis quant à la régularité du scrutin. Ces deux éléments pèseront-t-ils sur les activités du Parlement ? Il s'agit plutôt, d'une part, de s'interroger sur les prérogatives du Parlement et ensuite sur le rôle des partis minoritaires par rapport à une majorité FLN-RND. Le champ de compétence du Parlement est limité puisque par exemple le président de la République peut légiférer par ordonnance et l'initiative de proposition de lois par les parlementaires est soumise à un parcours de combattant. Si l'exécutif est composé de la majorité FLN-RND, je vois mal comment la majorité FLN-RND au Parlement puisse faire de l'opposition. De toute manière, quel que soit l'exécutif, celui-ci est tenu, en vertu de la Constitution, d'exécuter le programme du président de la République.
Vous avez soutenu avant les élections que les éléments constitutifs pour un processus démocratique ne sont pas réunis. Le score obtenu par le FLN est-il intégrable dans cette absence d'éléments constitutifs de démocratisation ? Les élections ne sont pas une fin en soi. Ce n'est qu'un segment d'un processus démocratique. Les conditions démocratiques supposent l'exercice des libertés collectives, libertés de réunion, d'association, d'expression et de manifestation. Elles supposent aussi une séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et l'indépendance de la justice. Je relève aussi la fermeture du champ audiovisuel qui permet une expression plurielle qui reflète les attentes de notre société. Malgré la levée formelle de l'état d'urgence, les pratiques de restriction des libertés individuelles et collectives persistent et le discours officiel est dans le virtuel.Sur le plan social, c'est d'un côté l'Algérie d'en haut et de l'autre côté, l'Algérie d'en bas.