Beaucoup d'encre a coulé à propos de l'imminence de la révision constitutionnelle. De la même manière, les politiques n'ont pas fait l'économie de leur salive pour disserter ou prendre position. Chacun y est allé de ses thèses, antithèses, mais aussi de sa préférence. Les uns estimant que la loi suprême du pays devra faire l'objet d'un toilettage total, tandis que d'autres penchaient plutôt pour l'amendement de certains articles. Il demeure cependant établi que les partis de la coalition présidentielle, du moins le RND et le FLN (le MSP s'est bien gardé jusqu'à présent d'y faire allusion) soutiennent la volonté du président de la République de réviser la Constitution et ont applaudi avant même son annonce, sans en connaître les contours. Toutefois, ils n'ont pas caché leur vœu que ladite révision ne concerne qu'un seul et unique article. Le 74 en l'occurrence, qui dispose que «la durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans. Le Président de la République est rééligible une seule fois». Déjà en 2003, à partir d'Oran à l'occasion de l'université d'été, Ahmed Ouyahia, dans son discours d'ouverture avait annoncé le soutien de son parti à un deuxième mandat pour Abdelaziz Bouteflika. Il ira, plus loin, «et pourquoi pas un troisième !». Nous sommes à quelques mois de l'expiration de la seconde mandature et la position du RND n'a pas changé d'un iota, même si à un certain moment il a affiché sa réprobation quant à l'annonce faite par le FLN de concocter une proposition de texte qu'il a d'ailleurs remise au chef de l'Etat. Ouyahia estimait que l'initiative de la révision de la loi suprême du pays échoit, constitutionnellement, au président de la République. Et qu'en attendant, il n'appartenait pas à un parti politique d'imposer une mouture. Pour sa part, le secrétaire général du FLN ne dissimulait nullement son empressement de voir la Constitution révisée dans les plus brefs délais, avec en prime des amendements touchant l'article 74 et ceux définissant de manière définitive le régime politique algérien. Ce qui requêterait le recours à la voie référendaire. «La suppression du nombre des mandats n'est pas un recul de la démocratie, puisque la décision revient en dernier lieu au peuple algérien.»
Préserver les équilibres Cependant, et depuis quelques mois, des voix partisanes, celles de la coalition comprises, se font entendre pour presser le président de la République d'annoncer sa candidature pour un troisième mandat et, par ricochet, décide de la révision de la Constitution qui lui permettrait éventuellement de continuer à régner sur les destinées du pays pendant cinq autres années. Si le président de la République formule le vœu de se soumettre à la volonté populaire à travers les urnes, il devait bien entendu procéder d'abord à l'amendement de la loi suprême du pays. Et, comme l'avaientt déjà prédit plusieurs sources, c'est la voie parlementaire qui a été choisie par le premier magistrat du pays. Surtout qu'il ne s'agit pas, comme l'a stipulé, on s'en souvient le Conseil constitutionnel dans un avis (…tout projet de révision de la Constitution est soumis au préalable au Conseil constitutionnel), à propos de la révision constitutionnelle du 8 avril 2002 relative à la constitutionnalisation de la langue amazighe comme langue nationale et selon lequel il a considéré «que le projet de révision de la Constitution initié par le président de la République, consistant en l'introduction d'un article nouveau portant sur la constitutionnalisation de tamazight langue nationale dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national… ne porte aucunement atteinte aux principes généraux régissant la société algérienne, aux droits et libertés de l'homme et du citoyen, ni n'affecte d'aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions constitutionnelles…» Dans ce cas de figure, le président de la République détient la prérogative constitutionnelle de convoquer les deux chambres du Parlement en session extraordinaire conformément aux articles 118, 176 et 178 de la loi suprême du pays qui stipulent que «le Parlement siège en deux sessions ordinaires par an, chacune d'une durée minimale de quatre (4) mois.» Le Parlement peut être réuni en session extraordinaire sur initiative du Président de la République. Il peut également être réuni par le président de la République à la demande du chef du gouvernement ou à la demande des deux tiers (2/3) des membres composant l'Assemblée populaire nationale. La clôture de la session extraordinaire intervient dès que le Parlement a épuisé l'ordre du jour pour lequel il a été convoqué. Quant aux deux autres articles, ils disposent pour le premier que «lorsque de l'avis motivé du Conseil constitutionnel, un projet de révision constitutionnelle ne porte aucunement atteinte aux principes généraux régissant la société algérienne, aux droits et libertés de l'Homme et du citoyen, ni n'affecte d'aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions, le président de la République peut directement promulguer la loi portant révision constitutionnelle sans la soumettre à référendum populaire si elle a obtenu les trois quarts des voix des membres des deux chambres du Parlement». Tandis que l'autre article émet des conditions draconiennes à réunir pour toute révision constitutionnelle : «Toute révision constitutionnelle ne peut porter atteinte au caractère républicain de l'Etat, à l'ordre démocratique, basé sur le multipartisme, à l'islam en tant que religion de l'Etat, à l'arabe comme langue nationale et officielle, aux libertés fondamentales, aux droits de l'Homme et du citoyen, à l'intégrité et à l'unité du territoire national.» C'est donc la voie parlementaire qui y est privilégiée dans cette révision, en ce sens qu'il ne s'agit que d'une révision partielle de la constitution. Il n'est donc pas nécessaire de recourir à l'avis du peuple. D'ailleurs, l'information selon laquelle le chef de l'Etat convoquera les deux chambres du Parlement a été à maintes reprises révélée par des responsables politiques du pays. A commencer par le président de l'APN. Dans un entretien accordé à la Tribune le 16 mai dernier, M. Ziari, très au fait des dispositions constitutionnelles (il a été ministre chargé des relations avec le Parlement,) a confirmé pratiquement que la révision se fera par voie parlementaire. «Nous allons vers des élections présidentielles. Dès lors, organiser trop de consultations populaires finit par lasser les citoyens […]», nous avait alors déclaré le président de la troisième institution de l'Etat, arguant l'éventualité d'un fort taux d'abstention comme cela a été le cas lors des dernières législatives. Par ailleurs, si Abdelaziz Belkhadem s'est montré assez prudent en ne s'avançant pas sur la démarche, ce n'est pas le cas pour Ahmed Ouyahia, qui, lui, s'est prononcé sur la question, aussi bien en sa qualité de chef du gouvernement, que de secrétaire général du RND. Tout en affirmant que c'est la voie parlementaire qui sera privilégiée, il avait longuement insisté sur le soutien au troisième mandat, la révision de l'article 74, qui ne touche nullement au corps de la loi suprême du pays. Ainsi, après l'annonce, hier, de la révision de la Constitution, le chef de l'Etat prendra un décret présidentiel pour convoquer le congrès du Parlement. Dès lors, la commission spécialisée de l'Assemblée sera saisie par la remise du projet de révision et devra élaborer son rapport avant la réunion des deux chambres. Avant cela, il demeure clair qu'il revient au Conseil constitutionnel (instance présidée par Boualem Bessayeh) de prendre un avis sur la constitutionnalité de ladite révision. F. A.