Photo : M. Hacène Par Sihem Ammour La problématique entre l'expression théâtrale répondant aux attentes des amateurs du 4e art est une éternelle problématique dont l'alchimie est la symbiose entre le talent de l'auteur et la sensibilité du public. Le constat est qu'il existe une rupture entres les dramaturges et leur public qui a perduré pendant de longues années et qui a amené peu a peu le public à déserter les édifices dédiés à cet art, reléguant les salles combles, acclamant debout une représentation théâtrale, au simple domaine de la nostalgie s'exhalant en soupirs regrettant l'âge d'or du théâtre algérien. Ainsi, l'un des l'un des plus grands défis du 4e art algérien est d'insuffler du sang neuf a l'expression théâtrale avec l'apport d'une jeunesse revigorante. Atrophiée suite aux événements tragiques qu'a vécus l'Algérie, la scène théâtrale, nationale a été marquée par une rupture tant au plan de la créativité que de la transmission de l'expérience et du savoir-faire. Aujourd'hui, le public, composé majoritairement de jeunes possédant leurs propres repères et codes esthétiques, interpelle les dramaturges sur la nécessité de répondre à cette jeunesse avide de représentativité esthétique suite à des années de sevrage forcé.
Œuvrer pour former la jeunesse de l'écriture Cette problématique, M'hamed Benguettaf, dès sa nomination en 2003, en tant que directeur du Théâtre national algérien (TNA), l'a abordée dans les différentes interviews qu'il avait accordées aux médias, en soulignant l'urgence d'ouvrir la porte de la créativité théâtrale au jeunes et créer des passerelles avec ce qui reste de la génération qui les avait précédés.Au fil des années, M'hamed Benguettaf, artiste dans l'âme, a su tenir parole et relever le défi de resocialiser le théâtre en ouvrant grandement les portes aux jeunes passionnés de cet art non seulement à ceux fraîchement diplômés de l'Institut des arts dramatique ou qui appartenaient au théâtre étatique mais, également, à tous ceux qui avaient du potentiel, même s'ils étaient dans des coopératives et troupes indépendantes ou appartenaient au mouvement du théâtre amateur à ne pas confondre avec amateurisme. Il faut, également, souligner le rôle prépondérant qu'a joué le Festival national du théâtre amateur de Mostaganem qui a été le premier, avant même son institutionnalisation, grâce au volontarisme de certains passionnés de théâtre et malgré les moyens de bord limités, à organiser des sessions de formation dans l' art de la scène et l'expression dramaturgique. Une expérience qui a permis, au fil des années, de créer le concours «Kaki d'or» qui permet, depuis plus de cinq années, de drainer de nombreux candidats qui rivalisent de talent dans l'expression théâtrale.A ce propos, lors d'une conférence organisée en marge de la 45e édition du Festival national du théâtre amateur (Fnta), Djamel Bensaber, fondateur de ce prix et ayant été pendant de longues années le comissaire du festival, a souligné que le concours du Kaki d'Or qui récompense les meilleurs auteurs permet à lui seul de recueillir en moyenne 70 textes nouveaux, ajoutant : «S'il y a des insuffisances dans le théâtre, elles résident plutôt dans les métiers connexes où il y a certes un déficit en metteurs en scène et autres professionnels intervenant autour de la scène». Il a suggéré, à cet effet, la consolidation de la formation dans les segments considérés, recommandant la création de nouvelles structures, à l'instar de l'Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l'audiovisuel (Ismas de Bordj El-Kiffan, Alger), la multiplication des échanges entre les troupes locales et étrangères, et la réédition des séminaires thématiques, dédiés aux différentes branches de l'art scénique.
Insuffler la culture de la voie du théâtre au jeune public Par ailleurs, créer des passerelles entre le grand public et le théâtre est un travail de longue haleine qui doit aussi s'impliquer dans la formation d'une nouvelle génération d'amoureux du 4e art à travers la promotion du théâtre pour enfant. A cet effet, plusieurs institutions culturelles, à l'exemple de l'Onci (Office national de la culture et de l'information), investissent dans la programmation continue de pièces destinées au jeune public En dehors de la capitale, il existe un regain d'intérêt pour ce théâtre à travers l'organisation de journées théâtrales dans les régions les plus enclavées du pays ainsi que de nouvelles productions, chaque année, par les théâtres régionaux, de pièces destinées au jeune public. Au niveau du théâtre national, dès sa réouverture, un intérêt croissant a été porté au jeune public, avec un nombre de plus en plus important de pièces pour enfants respectant les règles de l'art scénique. Par ailleurs, au-delà de la promotion du théâtre auprès du jeune public, l'aspect pédagogique n'a pas été négligé à travers un accompagnement éducatif, notamment grâce a l'organisation de visites pour des écoles qui viennent découvrir les coulisses et l'historique de ce lieu dédié au 4e art. Ainsi a travers cette stratégie, les responsables du théâtre ciblent un double objectif : sensibiliser le jeune public pour préparer les amateurs éclairés de demain d'une part en permettant aux enfants de reprendre la voie du théâtre et offrir les meilleures conditions pour sensibiliser les adultes qui les accompagnent pour découvrir les pièces pour grand public, d'autre part.L'autre aspect de la problématique de l'expression théâtrale est celui de la langue ou plutôt de la linguistique. En effet, depuis des années, même à l'époque de Bachtarzi, en passant par Kateb Yacine et Alloula, s'est toujours posée l'eternel question de la langue pratiquée sur scène, en l'occurrence celle de l'arabe classique, du dialectal ou de ce que l'on nommera, la troisième langue : un mélange des deux. Confinant, ainsi, le débat à une problématique linguistique. Le discours théâtral qui, au delà de la langue, travaille sur le visuel, l'expression corporelle et autres symboles scéniques, est occulté au détriment de la réussite d'un véritable spectacle théâtral, synonyme de liberté, de créativité et, surtout, d'art vivant interpellant le monde qui l'entoure.
Poser la véritable problématique pour l'avenir du théâtre Au final, au-delà de la problématique de la qualité des textes ou des pièces théâtrales qui sont produites, le constat est qu'après de nombreuses années de diète, le nombre de pièces produites par le théâtre étatique et les troupes indépendantes ne cesse d'augmenter. La question qui se pose vraiment est : Est-ce qu'il y a de réelles compétences pour pouvoir séparer le bon grain de l'ivraie afin d'offrir le meilleur au public algérien ? L'autre véritable question qui est posée, celle qui a déjà été posée dans de nombreuses rencontres et colloques depuis des lustres sans trouver de réponse est : Quel théâtre pour quel public ? Veut-on un théâtre populiste pour satisfaire la masse ? Veut-on un théâtre élitiste destinée à un cercle restreint ? Ou bien veut-on réellement renouer avec la notion noble du 4e art, celui qui symbolise l'étroite relation entre la notion de culture, de cité, de citoyenneté et de catharsis éveilleuse de conscience ?En attendant, le festival de Mostaganem donne le La au bal des festivals dédiés au théâtre qui, au-delà de toutes les réflexions d'esthètes ou d'intellect, reste «une Fordja» pour l'âme et l'esprit telle que perçue dans notre tradition de Nord-africains où l'art du vivant est un patrimoine immatériel remontant à des millénaires, bien avant les traitées de Platon où, à l'ombre étoilée de l'arbre à palabres, se tissait l'imaginaire et le devenir ds peuples.