Les ministres des Finances des pays du G7 - dont les Etats-Unis et la France - exercent une sorte de pression sur l'Opep, lui demandant de relever l'offre pétrolière. Les pays membres du club très fermé du G7 ont établi, il y a quelques jours, un bref communiqué, «encourageant» les pays producteurs de pétrole à augmenter leur production pour «satisfaire la demande». Une question se pose cependant : Pourquoi le G7 le fait maintenant ? Les pays consommateurs se disent inquiets de l'évolution des prix du brut, relevant que les cours ont augmenté de 28 % depuis fin juin denier, une tendance qui pèse sur «l'économie globale», selon eux. N'y a-t-il pas exagération dans les appréciations des pays les plus industrialisés du monde ? Les membres du G7 semblent se serrer les coudes en temps de crise. La France, dont le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a revendiqué cette initiative du G7, est loin d'être le seul pays où la hausse des prix à la pompe est politiquement sensible. Aux Etats-Unis, entrés dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle, le bond du gallon, passé de 3,50 à 3,75 dollars en un mois reste un «dossier prioritaire», une augmentation qui n'arrangerait pas le président sortant, à deux mois des présidentielles. Barak Obama doit se donner un objectif fondamental : Il fera en sorte que les prix à la pompe baissent, pour un temps, ce sera une option électoraliste. Et des membres de l'Opep, l'Arabie saoudite en tête, joueront le jeu. Le G7 est-il écouté par l'Opep ? Les Etats-Unis le sont, en tout cas. Les appels des pays consommateurs aux pays producteurs sont récurrents. Ils le sont davantage à l'approche d'échéances électorales, dans certains pays consommateurs. Ces appels s'inscrivent dans une démarche autant politique qu'économique. Les pays du G20 réunis en juin denier à Los Cabos, au Mexique, avaient déjà évoqué la question des cours du pétrole. Le G7, dans le communiqué cité plus haut, rappelle «l'engagement», à Los Cabos, de l'Arabie saoudite (qui approvisionne 11 % environ du marché mondial) de puiser «autant que nécessaire» dans ses capacités excédentaires pour approvisionner la planète. L'Arabie saoudite et d'autres Etats, membres de l'Opep - dont le Koweït – s'étaient engagés à augmenter leur production dès le mois de mars dernier, en pleine hausse du brut. Mais il est peu probable que les autres pays membres suivent cette démarche. Un nouvel engagement formel des pays de l'Opep n'est pas d'actualité. Seule l'Arabie saoudite reste prête à répondre à des demandes en hausse de production de pétrole. Mais l'offre en pétrole est-elle insuffisante, aujourd'hui ? Y a-t-il déséquilibre entre l'offre pétrolière et la demande ? Non, a déclaré, il y a quelques jours, la directrice générale de l'AIE (Agence internationale de l'énergie), Maria Van der Hoeven. Il n'y a pas de raison donc de relever les quotas Opep, comme le souhaitent des pays consommateurs. L'organisation pétrolière a fait, ces dernières années, suffisamment d'efforts pour stabiliser les marchés. L'Opep produisait déjà, en juin dernier, 1,3 million de barils par jour de plus que ses quotas nominaux. L'Irak et l'Arabie saoudite ont compensé le manque de brut iranien, sous embargo occidental. C'est plutôt parmi les producteurs non membres de l'Opep (65% du marché) que la production fait actuellement défaut. Il est des pays qui produisent à volonté, tirant profit des conjonctures favorables. Et puis, il y a des puits provisoirement fermés en mer du Nord et qui devraient bientôt rouvrir, ce seront des quantités supplémentaires en pétrole qui viendront inonder les marchés. Cela pourrait-il, éventuellement, pousser les prix à la hausse ? Est-ce une hypothèse plausible ? Plusieurs experts prévoient que, malgré la crise iranienne qui soutient les cours, un ralentissement de la demande mondiale d'ici à la fin de l'année, résultant d'une panne de la croissance, pourrait apaiser le marché pétrolier et rendre vain l'effort demandé par le G7. Ce dont l'Opep est sûre, cependant, c'est que les pays consommateurs vont puiser dans leurs stocks stratégiques s'ils estiment que les cours flambent. Les membres du G7 se déclarent prêts à faire appel à l'AIE, organisme qui coordonne l'usage des stocks stratégiques mais ce n'est pas à l'ordre du jour, affirme Maria Van der Hoeven. «Un recours aux réserves stratégiques serait justifié, dit-elle, par «une interruption importante des livraisons». La mise sur le marché de soixante millions de barils par l'AIE, à l'été 2011, pour remplacer le brut libyen, avait immédiatement fait baisser le prix du baril de 4,6%. Si le cyclone Isaac, qui a d'ores et déjà paralysé la production du golfe du Mexique, aurait des effets durables, Washington pourra toutefois saisir ce prétexte pour puiser dans les réserves. Pendant ce temps, l'organisation des pays exportateurs de pétrole modifiera légèrement ses prévisions de demande mondiale de brut pour 2012, soutenue entre autres par la canicule dans certaines régions comme aux Etats-Unis tandis que l'horizon pour 2013 reste «rempli de turbulences». La chaleur estivale, en particulier aux Etats-Unis qui connaissent une écrasante vague de canicule, conduit à une plus forte utilisation de carburant pétrolier par les centrales électriques, souligne l'Opep, dans son rapport mensuel diffusé à Vienne il y a quelques jours. Grâce à la période estivale, la chaleur et la fermeture de centrales nucléaires au Japon, la demande mondiale de pétrole a surmonté sa phase antérieure de déclin pour revenir à une tendance «plus stable», ajoute le document. En chiffres, la demande mondiale de brut est désormais évaluée à 88,72 millions de barils par jour (mbj) pour 2012, une hausse de 0,04 mbj comparée à l'estimation de juillet, par exemple. En Inde, la demande a aussi été «fortement affectée par des coupures d'électricité massives et des inondations estivales», souligne l'Opep, dans son rapport. «L'utilisation de générateurs indépendants a conduit à un usage massif du diesel dans l'ensemble du pays», y est-il ajouté. La demande continue toutefois de se réduire en Europe, toujours engluée dans la crise de la dette. Pour 2013, l'Opep qui pompe environ 30 % de la production mondiale de pétrole a gardé sa prévision de demande quasi inchangée, à 89,52 mbj, après 89,50 mbj en juillet mais une révision à la baisse de la prévision 2013 est plus probable qu'un relèvement, selon le rapport en question. Les experts de l'Opep analysent que la situation économique reste «vague» et l'horizon «rempli de turbulences». Il y a beaucoup «d'incertitude» concernant l'estimation de consommation de pétrole dans le monde en 2013. L'Opep se déclare inquiète des perspectives de croissance économique mondiale. L'évolution de l'économie, elle n'y voit pas claire, pour l'heure. Y. S.