Photo : Riad Par Younès Djama Le gouvernement s'est lancé dans une entreprise d'éradication des marchés informels, source de déficits budgétaires énormes pour les caisses de l'Etat et de nuisances multiples pour les citoyens. Une action qui va en augmentant, en attendant toutefois qu'il soit trouvé une alternative aux 70 000 intervenants recensés. Ces derniers sont principalement de deux catégories. La première regroupe «des jeunes poussés par la nécessité à exercer une activité illégale pour assurer leur survie». «La seconde catégorie est composée de certains commerçants qui ont choisi de fermer leurs locaux commerciaux et créer des étals dans des espaces illégaux». D'autres, continuent à activer dans le circuit formel «tout en exerçant une autre activité illégale», a souligné le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Dahou Ould Kablia, lors d'une rencontre régionale organisée dernièrement avec les walis des wilayas du Centre, du Sud et des Hauts-Plateaux, au Palais des nations. Cette démarche a été saluée par les citoyens en raison des nombreux désagréments qu'on leur cause. Au niveau de la capitale, l'opération bat son plein. Dans la commune d'El Harrach, une assiette de terrain d'une superficie de 4 350 m2 a été aménagée près de la gare routière de Boumaâti, indique le P/APC d'El- Harrach, M. Abzar. Ladite parcelle, clôturée et dotée des commodités nécessaires, attend les 750 commerçants illégaux activant au niveau de Boumaâti et sa périphérie. Parmi eux des natifs du quartier de la commune, mais aussi, des commerçants issus d'autres wilayas. En attendant le feu vert de la wilaya d'Alger, les marchands disposeront, chacun, d'un carrés de 3,5 à 4m2. «Mais la priorité sera donnée aux natifs de la localité», précise M. Abzar. Cependant, l'opération connaît quelques accrocs. Et pour cause : les jeunes, habitant non loin du nouveau lieu d'emplacement, réclament leur part des étals, d'autant qu'ils sont pour la plupart sans emploi. Une revendication que l'APC d'El Harrach compte bien prendre en considération. A Bourouba, le problème «ne se pose pas de la même manière» que les autres communes d'Alger. Selon son premier responsable, M. Zoheir, un site d'environ 250 étals attend, depuis 3 mois, les quelques commerçants illégaux que compte la commune. Doté de toutes les commodités (clôture, sanitaires,…), l'emplacement situé au niveau du quartier «La Montagne» est prêt à recevoir les marchands activant sur le sol de la commune et même les natifs de la localité qui ont choisi d'exercer dans les communes voisines (Bachdjarah, El Harrach…). A Sidi M'Hamed, l'heure est à la mise à niveau du marché municipal (appelé communément le Bazar) fermé pour une durée de 20 jours pour travaux qui sont achevés à 80%. «La réouverture est une question de quelques jours», affirme Salah Oubahi SG de l'APC, précisant que la commune en a fini avec les marchés informels. Cependant, le responsable refuse de s'exprimer sur le sort réservé aux commerçants illégaux «dépouillés» de leurs étals. 500 milliards de dinars soustraits au Trésor public.Une étude réalisée, en 2006 par le ministère du Commerce, a fait ressortir que le marché informel constitue «une véritable économie parallèle» en Algérie, avec pas moins de 700 marchés d'une superficie globale de 2,7 millions de m2, alors que les vendeurs illégaux représentent 13% de ceux inscrits légalement au Centre national du registre du commerce. Mais ces chiffres sont démentis par la Chambre algérienne de commerce et d'industrie. Celle-ci parle plutôt de 450 marchands illégaux (chiffres de 2008) représentant un peu moins de 9% des intervenants inscrits auprès de l'administration du registre de commerce, estimés à 1,2 million de registres. Aujourd'hui, ils seraient 400 000 commerçants au niveau national, selon l'Ugcaa (Union générale des commerçants et artisans algériens). Résultat : 500 milliards de dinars soustraits au Trésor public. Il est utile de rappeler que le circuit informel qui domine 60% de l'activité commerciale du pays demeure, selon l'Ugcaa, le principal écueil qui empêche le maintien d'un niveau de prix raisonnables sur le marché national. L'essentiel de l'approvisionnement des 2/3 de la population provient de la sphère informelle, selon les estimations de l'Union des commerçants. Une précision s'impose toutefois : l'ensemble de ces commerçants informels ne sont pas tous considérés comme tels, dès lors qu'il existe certains commerçants qui exercent avec des registres de commerce ambulants, alors que d'autres possèdent des registres dits «sédentaires». Dès lors, ce sont les activités pratiquées dans ces marchés qui sont considérés comme illégales.
Quelles sont les solutions préconisées ? D'aucuns estiment que l'activité informelle constitue effectivement un danger pour l'économie nationale, dans la mesure où une activité qui ne paie pas ses impôts exerce une concurrence déloyale par rapport à une autre qui paie ses impôts et ses taxes parafiscales. Il y a en effet «péril en la demeure» pour les entreprises qui contribuent au Trésor public.
Quelles sont les solutions préconisées pour venir à bout de cette pieuvre aux multiples tentacules ? Il y a, d'abord, eu une mesure relative à l'imposition de l'Impôt forfaitaire unique qui a touché 800 000 petits commerces. Cette taxe imposable aux commerçants dont le chiffre d'affaires est de l'ordre de 3 millions de dinars, est de 6%, alors que la Caci (Chambre algérienne de commerce et d'industrie) a formulé une demande officielle auprès de l'administration des impôts, de manière à revoir cette taxe de 6 à 3%. C'est une première réponse aux nombreuses doléances des patrons d'entreprises maintes fois exprimées à l'administration des impôts. L'autre piste a trait à la réouverture des anciens espaces commerciaux, publics (Galeries et Souks El Fellah), de sorte à intégrer les commerçants illégaux dans la sphère formelle. Une revendication portée par l'Union générale et des commerçants, artisans algériens (Ugcaa) mais qui n'a pas été concrétisée par les pouvoirs publics. Ce qui aurait permis d'éradiquer le marché informel et créer de nouveaux postes d'emploi. L'Union des commerçants estime que cette mesure permettra de relancer ces structures qui «sont dans un état lamentable» et «profitera à tous», y compris au Trésor public. Le SG de l'Ugcaa, Salah Souilah, a précisé que toutes les communes, à travers le pays, disposaient d'un espace de galerie ou, tout au moins, d'un souk el fellah, ce qui traduit la capacité de ces structures commerciales relevant actuellement du ministère de l'Intérieur à absorber le nombre important de jeunes qui activent au niveau des espaces informels. A signaler qu'un nombre de souks el fellah et de galeries algériennes dans certaines régions du pays ont été transformés en espaces commerciaux privés, gérés par d'anciens employés alors que d'autres wilayas ont aménagé les rayons des souks el fellah en marchés de proximité comme c'est le cas à Bouira.