Photo : S. Zoheir Par Younès Djama L'Etat est finalement passé à l'action dans son entreprise d'éradication des marchés informels. Au niveau de certains quartiers de la capitale, depuis hier, plus aucun marchand n'a installé son étal. A Belcourt, les propriétaires des étals affichent une mine défaite, avec un brin de résignation. «Dès ce matin, la police nous a interdit d'installer nos tables», affirme un jeune commerçant apostrophé alors qu'il vendait sa dernière marchandise de fruits à côté d'un commerce d'alimentation générale.«Que voulez-vous acheter ? Il y a de la banane, des raisins…», dit-il. Nous nous excusons auprès de lui (Nous nous sommes fait passer pour de simples clients, Ndlr), et lui faisons savoir que nous cherchons des légumes. «Pour ça, allez voir au niveau du marché T'nach (Marché couvert de ce vieux quartier algérois, Ndlr), désormais, il n'y a plus de marché ici». D'ordinaire bondée de monde, la voie est dégagée, la circulation piétonnière et automobile y est fluide. Un fourgon de la police, stationné à un coin de la désormais ex-rue marchande, reste aux aguets. Tout autour, les riverains sont en pleins conciliabules. Les femmes se rendant au marché couvert s'échangent l'information. «T'as vu ?Ils (les policiers) les ont chassés !», lance une dame à son amie avant de se glisser dans la ruelle menant vers le marché couvert. Il y avait comme un air de résignation chez certains marchands habitués à vendre leurs marchandises sur les lieux. Interrogés sur cette mesure, certains disent «s'en remettre à Dieu» et préfèrent ne pas parler de ce qui adviendra de leur commerce. Une mesure «caduque» selon l'Union des commerçants et artisans algériens (Ugcaa) qui a réagi, hier, à cette mesure en la qualifiant de «caduque» et «conjoncturelle». «Le ministère de l'Intérieur avait déjà entamé une opération d'éradication, des walis ont même commencé à appliquer la décision avant qu'ils ne se rétractent», rappelle Salah Souilah, SG de l'Ugcaa. L'organisation des commerçants reproche aux pouvoirs publics de ne pas avoir prévu d'alternative aux commerçants informels à travers, notamment, la réhabilitation des galeries. «L'informel ne peut pas être éradiqué surtout que la conjoncture ne s'y prête guère.», déclare Salah Souilah. Cette mesure est, à nos yeux, caduque et conjoncturelle dès lors qu'elle ne prévoit pas d'autre alternative à même de permettre aux marchands illégaux d'intégrer le circuit formel.
Réhabiliter les galeries et Souks El Fellah L'Ugcaa regrette que les pouvoirs publics n'aient pas pris en compte une vieille proposition d'intégrer les commerçants illégaux dans la sphère formelle en procédant à la réouverture des anciens espaces commerciaux, publics (Galeries et Souks El Fellah) à répartir dans un cadre organisé. Ceci permettrait d'éradiquer le marché informel et créer de nouveaux postes d'emploi.. L'Union des commerçants estime que cette mesure permettra de relancer ces structures qui «sont dans un état lamentable» et «profitera à tous», y compris au Trésor public. Le SG de l'Ugcaa, Salah Souilah, a précisé que toutes les communes, à travers le pays, disposaient d'un espace de galerie ou, tout au moins, d'un souk el fellah, ce qui traduit la capacité de ces structures commerciales relevant actuellement du ministère de l'Intérieur à absorber le nombre important de jeunes qui activent au niveau des espaces informels. A signaler qu'un nombre de souks el fellah et de galeries algériennes dans certaines régions du pays ont été transformés en espaces commerciaux, privés, gérés par d'anciens employés alors que d'autres wilayas ont aménagé les rayons des souks el fellah en marchés de proximité comme c'est le cas à Bouira. M. Souilah a estimé qu'une des trois galeries situées à la rue Larbi-Ben M'Hidi, à Alger, «peut accueillir tous les jeunes commerçants activant dans les rues et les espaces informels des communes de Bab El Oued et de Sidi M'hamed.» L'Ugcaa est même disposée à contribuer au succès de cette démarche si elle est adoptée par les pouvoirs publics, comme elle l'a démontré à travers sa contribution à la réalisation d'un marché de détail, en 2008, à El Eulma, dans la wilaya de Sétif et qui regroupe 400 locaux commerciaux. L'organisation est prête à «renouveler l'expérience». Après avoir appelé les pouvoirs publics, notamment les directions de la construction et les services domaniaux, à accompagner les commerçants dans la réalisation de nouveaux supermarchés, l'Ugcaa estime que ces centres sont à même de contribuer à l'éradication du commerce informel où activent, selon des estimations, 400 000 commerçants au niveau national. Y. D.
500 milliards de dinars de pertes pour le Trésor public Le circuit informel qui domine 60% de l'activité commerciale du pays demeure, selon l'Ugcaa, le principal écueil qui empêche le maintien d'un niveau de prix raisonnables sur le marché national. De plus, l'activité informelle, érigée en véritable économie parallèle, est à l'origine d'un préjudice annuel de plus de 500 milliards de dinars pour le Trésor public. L'essentiel de l'approvisionnement des 2/3 de la population provient de la sphère informelle, selon les estimations de l'Union des commerçants. Le rôle des Collectivités locales dans l'éradication de l'informel et la régulation du marché est mis en exergue par l'Union des commerçants qui déplore que les APC ne jouent pas le jeu. «La régulation du marché n'est pas du seul ressort du ministère du Commerce. A mon avis, les assemblées élues doivent s'impliquer davantage dans cette entreprise de régulation», soutient notre interlocuteur. Pour l'organisation, «le rôle économique et commercial des APC est tout simplement inexistant ; il ne subsiste que l'aspect administratif, alors que le rôle premier d'une assemblée élue est justement d'appliquer un programme économique pour lequel elle a été élue».