«Un Etat palestinien avant la fin de 2008, je veux bien. Mais mon sentiment est que ce ne sera pas possible.» Cette phrase prononcée par le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, lors d'une visite dans les territoires palestiniens au mois d'octobre dernier sonne comme une vérité crue. Parce que, au-delà du personnage, la situation actuelle au Moyen-Orient se dirige, inéluctablement, vers un échec cuisant. Bien sûr qu'au fur et à mesure que la date fatidique approche, les acteurs impliqués dans ce conflit, vieux de 60 ans, changent de discours. Il en a été ainsi des conclusions de la réunion du quartette (Etats-Unis, Russie, Union européenne et ONU) qui s'est tenue, hier, à Charm El Cheikh, en Egypte. Les participants, y compris le président palestinien -confronté à d'énormes problèmes internes- et les responsables israéliens, n'ont trouvé qu'un langage diplomatique creux pour signifier que, finalement, il sera impossible de créer l'Etat palestinien avant le départ de George Bush de la présidence américaine le 20 janvier prochain. Pis, Condoleezza Rice, la secrétaire d'Etat américaine, se pose en messie et «espère» -tout simplement !- que le processus lancé il y a une année à Annapolis (aux Etats-Unis) ne va pas être abandonné. Que d'hypocrisie ! Pourtant, Mme Rice, tout comme ses alliés israéliens, sait pertinemment que l'entreprise n'est pas facile. Elle sait aussi que le terrain est trop gravement miné pour pouvoir réaliser le rêve de Yasser Arafat et de millions de Palestiniens de bâtir un Etat indépendant. Ce ne sont pas les problèmes –vrais ou supposés- qui manquent aux «faiseurs de la paix» : Israël est en transition depuis le mois de juin et cela va durer, au moins jusqu'à février ; l'administration américaine est en stand-by et ne dispose pas d'une grande marge de manœuvre pour opérer. Plus que cela, le dialogue inter-palestiniens se trouve, lui aussi, dans une impasse depuis que le Hamas et le Fatah s'accusent mutuellement de dépassements et d'illégitimité. Voilà les sources de blocage. Celles qu'on ne désigne que rarement. Mais la grande hypocrisie est cette attitude consistant à désigner une blessure sans essayer de la panser. Il s'agit de l'épineux problème de l'installation des colonies juives sur les territoires palestiniens. Le quartette et toutes les organisations internationales ont beau appeler l'Etat hébreu à la retenue, rien n'y fait. Au contraire, Tel-Aviv poursuit sa politique du pourrissement et ce ne sont pas les images des fermiers palestiniens chassés de leurs oliveraies par des colons sous le regard passif des soldats du Tsahal qui démentiront cela. Ce ne sera pas demain donc que l'emblème palestinien flottera sur El Qods. Ce ne sera pas, non plus, demain que l'esplanade des Mosquées sera gérée par les Palestiniens. Ce sont peut-être des rêves, mais rien que pour amorcer un nouveau processus, il faudrait attendre encore des mois, le temps que la nouvelle administration américaine se mette en place. Car, en définitive, le destin de la Palestine se joue d'abord à Washington. Pas ailleurs. A. B.