C'est dans l'ordre des choses politiques algériennes, la révision constitutionnelle, toilettage d'étape, est passée. Sans encombre. Elle a été adoptée sans barguigner par un Parlement déterminé par la culture du soutien quasi unanimiste. C'est donc un lieu commun que de le souligner, mais l'essentiel est bien ailleurs. Il est dans la cohérence politique qui sous-tend la démarche de modification de la Constitution de 1996. De sorte que personne ne peut affirmer aujourd'hui qu'il y a eu maldonne politique, publicité mensongère ou tromperie sur la marchandise. Surtout pas les combattants d'arrière-garde qui poussent des cris d'orfraie en rêvant d'un impossible grand soir. Depuis 1999, le président de la République, qui n'ignorait rien des incohérences de la Constitution de 1996 et qui, c'est même normal et logique, ne voulait être ni potiche ni baudruche, a toujours dit, clairement, qu'elle portait en elle les germes de la confusion des genres et des pouvoirs. Voulant être un président de la République de plein exercice et de souveraines prérogatives, il répétait, presque à l'envi, qu'il ne pouvait donc s'en accommoder. Surtout que la Constitution, fondée sur le dualisme, proposait en théorie une dyarchie qui n'a jamais voulu dire son nom. D'où un Exécutif à deux têtes et un régime mi-choux, mi-chèvre, mixant des doses de parlementarisme et de présidentialisme. C'est pour mettre fin à cette hypocrisie qui arrangeait presque tout le monde que la Constitution, qui est partiellement amendée, sera ultérieurement modifiée en profondeur. Si le fond d'une révision constitutionnelle sera toujours discutable, la démarche a toutefois le mérite de la cohérence et de la clarté. Le débat n'a jamais eu trait à la légitimité de l'initiative de révision : la Constitution de 1996, si incohérente et discutable qu'elle soit, accordait au chef de l'Etat tout le loisir de la modifier. En même temps, le choix du modus operandi idoine. Ergoter là-dessus comme le font ceux qui forcent la caricature à coups d'oxymores, tel celui de «putsch constitutionnel», équivaudrait à castrer les oies femelles, comme le stipule la géniale formule sétifienne. La question, essentielle par définition, est de savoir si, aujourd'hui, le chef de l'Etat s'est taillé le costard sur-mesure d'un futur dictateur comme le monde arabe n'en a jamais compté. Comme de Gaulle, le président Abdelaziz Bouteflika pourrait dire que ce n'est pas à son âge qu'il aurait la vocation tardive de devenir un César en gandoura. Si imparfaite qu'elle soit, la Constitution partiellement amendée, ne le lui aurait pas permis. Les forces patriotiques du pays, aussi. Le concerné, dont on ne sait pas encore avec certitude s'il rempilerait, a réaffirmé devant la représentation nationale, hier, «qu'il croyait en la démocratie comme choix irréversible», et qu'il était persuadé qu'«il n'y a pas demodèle démocratique universel unique, mécaniquement applicable». Comme le socialisme, hier, la démocratie est également spécifique et son contenu est fonction de l'histoire et de la géographie. La démocratie comme la politique sont donc filles du possible. Et le possible algérien, c'est des avancées pragmatiques. Dans l'état actuel du monde, surtout du monde arabe, tout saut de puce, toute dose homéopathique, seront les bienvenus. L'Algérie, c'est même évident, ne sera pas de sitôt la Suède de l'Afrique ou la Suisse du monde arabe. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Pour le moment, et pour l'instant seulement, pour le président de la République, le possible démocratique algérien est de «consolider une démocratie pluraliste, des institutions républicaines permanentes et une légitimité constitutionnelle pérenne». N. K.