Les propos d'Ahmed Ouyahia, jeudi, devant les membres du conseil national du RND, au sujet de la révision constitutionnelle, constituent véritablement un tournant majeur dans le débat sur cette question qui alimente depuis des mois la chronique politique. “Cette révision aura lieu et le RND à qui on a souvent fait le reproche d'être une machine électorale mettra cette machine électorale au service du candidat Abdelaziz Bouteflika”, a-t-il martelé dans son discours, en ouverture de la session. Le choix du cadre, à savoir le Conseil national réuni pour la première fois depuis le dernier congrès, n'est pas innocent, pour les observateurs attentifs aux formes. C'est comme si le chef du RND entendait faire assumer à cette instance l'option. Mais par-delà le cadre, il y a surtout le ton qui a changé. On est passé de l'hypothétique à la certitude. Jusque-là, Ahmed Ouyahia affichait même un certain agacement à évoquer le sujet. Toutes les fois que les journalistes l'interpellaient, il s'en sortait avec d'habiles pirouettes. “Le moment venu, le RND se prononcera”, “la révision de la Constitution est une prérogative du Président, le jour où il prendra sa décision nous ferons connaître la nôtre”… On ne compte pas le nombre de fois qu'il a dû apporter ces répliques qui se veulent autant de réponses surtout au cavalier seul de Belkhadem, dont la démarche était de prendre de vitesse les autres partenaires de la coalition présidentielle dans le soutien à la candidature de Abdelaziz Bouteflika. Mais depuis jeudi dernier, Ahmed Ouyahia opère une rupture dans son discours, passant du registre de la tergiversation à celui du choix clairement affiché en faveur d'un troisième mandat pour le président sortant, dont la candidature revêt désormais un caractère quasi officiel. Il va sans dire que le repositionnement du RND est loin d'être une simple coquetterie, comme cela peut être le cas pour une formation qui ne compte pas sur l'échiquier politique. Car si Ahmed Ouyahia, un homme qui pèse dans l'équation politique nationale, fait un tel choix, en ce moment précis, cela ne peut signifier qu'une seule chose, à savoir qu'au niveau des différents centres décisionnels, le consensus est de nouveau trouvé pour permettre au Président sortant de faire amender la Constitution, de façon à pouvoir briguer un troisième mandat. Et tout porte à croire que ce consensus a mis bien du temps avant de devenir possible. En effet, des informations, souvent livrées à la presse nationale et étrangère sous le sceau de l'anonymat, faisaient état de “divergences” de “tractions” entre les faiseurs de la décision politique par rapport au chantier de la révision constitutionnelle. Maintenant que le processus est arrivé à maturité, la question est de savoir quels sont les termes du deal. Même si cela reste de l'ordre du non-dit, la forme que prendra la révision constitutionnelle en donnera certainement une indication dans les prochains jours. S'achemine-t-on vers une révision avec en toile de fond le rééquilibrage des pouvoirs avec un système présidentiel fort ? Dans ce cas, un ticket Bouteflika-Ouyahia constitue une piste de travail possible. Ou bien s'agira-t-il juste d'un léger toilettage de la première loi du pays qui touchera en particulier la disposition qui limite le nombre de mandat ? En attendant que le contenu de cette révision, qui ne saurait certainement tarder, soit rendu public, force est d'admette que les propos d'Amed Ouyahia jeudi ont le mérité de dégager l'horizon, offrant du coup une visibilité de la scène politique jusque-là plombée par le suspens sur la révision de la constitution. Omar Ouali