Oscar Niemeyer, le «bâtisseur» de la ville de Brasilia, s'est éteint, mercredi soir, dernier, à l'âge de 104 ans. L'architecte brésilien, dont la carrière a démarré en 1935 pour ne s'arrêter qu'à sa mort, restera pour la profession une référence et un maître des courbes et de la fluidité des lignes. Passionné d'architecture, il aura pratiqué son art jusqu'à sa mort. Figure emblématique de l'architecture du 20e siècle, il a signé près de 600 projets architecturaux dans le monde dont quatre en Algérie (université de Constantine (1971-1977), la Coupole du complexe olympique, Ecole polytechnique d'Alger et université de Tizi Ouzou). Les lignes courbes de ses créations sont «un hommage au corps de la femme brésilienne», expliquait-il. Ses formes libres et sensuelles, il les rencontrait dans les montagnes du Brésil, ses rivières, ses plages et le corps de la femme, disait l'architecte. Ce que le jury du prix Pritzker, la plus haute récompense mondiale dans le domaine de l'architecture, lui accordera en lui décernant la distinction en 1988. Il a su «capturer l'essence du Brésil avec son architecture. Ses bâtiments distillent les couleurs, la lumière et l'image sensuelle de son pays natal», écrit le jury. Et pour Niemeyer, le béton est la seule matière avec laquelle son génie créatif peut travailler en toute liberté. «Quand je dessine, seul le béton me permettra de maîtriser une courbe d'une portée aussi ample», disait-il. L'angle droit comme cette ligne droite, «dure, inflexible, inventée par l'homme», le rebutait. Cette perception de la ligne a été un point de discorde avec Le Corbusier avec lequel il a travaillé dans sa jeunesse, mais sans être toujours d'accord avec lui. «Si on veut faire une comparaison avec la peinture, on peut dire que Le Corbusier a été le Picasso et Oscar Niemeyer le Matisse» de l'architecture, dira de lui Jean Nouvel (Prix Pritzker 2008). D'ailleurs, Niemeyer était influencé par les deux, même si pour Le Corbusier il affirmait qu'il l'avait tout autant influencé, ce que beaucoup parmi ses pairs soutiennent. De l'avis de Francis Rambert, qui n'est autre que le directeur de l'Institut français de l'Architecture (IFA) de Paris, l'architecte brésilien est «l'une des grandes figures de l'architecture du XXe siècle, avec Frank Lloyd Wright, Mies van der Rohe et Le Corbusier notamment». Pour autant, le Brésilien «n'était pas un théoricien de l'architecture contrairement à Le Corbusier […]. Il n'a pas fait école mais il a fait rêver […]. Il a montré qu'on pouvait faire autrement», ajoute-t-il. En effet, Oscar Niemeyer avait une autre vision et conception de l'architecture qui ne cadraient pas avec celles de nombreux architectes contemporains. «Les écoles d'architecture doivent proposer des cours parallèles à cette spécialité : de la philosophie, de l'histoire, de l'anthropologie, de la littérature. Il ne suffit pas pour un architecte de sortir d'une faculté pour qu'il devienne un professionnel. Il doit apprendre à bien connaître sa société, comprendre et s'ouvrir au monde afin de construire des choses qui rendent les gens heureux, qui leur donnent de la joie», affirmait-il. Oscar Niemeyer a inscrit son nom dans le gotha mondial des architectes en 1960, quand il a dessiné les principaux équipements publics de Brasilia, dont la cathédrale, le Congrès national, les ministères... C'est à ce titre qu'on le surnomme «le bâtisseur» de Brasilia. Il a également conçu le siège des Nations unies à New York (avec une quinzaine d'architectes réunis par Le Corbusier). En Algérie où il a séjourné entre 1960 et 1970, il a dessiné les quatre projets suscités et il a travaillé avec Le Corbusier sur l'université de Bab Ezzouar et le Plan du nouvel Alger. Mais après des désaccords avec ce dernier, il s'est retiré du projet de l'université. Sa dernière réalisation pour l'Algérie est l'esquisse de la bibliothèque arabo-sud-américaine dont le lancement des travaux de réalisation est prévu pour 2013 à Zéralda. H. G.