Rassemblés mardi soir dernier à Paris, des centaines de personnes dont des historiens, des intellectuels, des représentants de partis politiques et de mouvements associatifs ont interpellé François Hollande lui demandant de prononcer une «parole forte» en Algérie sur les crimes coloniaux et sur la libre circulation des citoyens entre les deux pays. La soirée a été initiée par le journal en ligne Mediapart et l'association «Au Nom de la mémoire». Les participants exigent également à ce qu'il y ait une condamnation ferme de tous les crimes coloniaux perpétrés sur les Algériens. «Il faut qu'il y ait enfin une parole forte du chef d'Etat Français, pour qu'on puisse écrire une véritable page d'histoire, qui nous permette la réconciliation où tout ce qui nous a opposés, les choses douloureuses comprises, qui nous opposent encore aujourd'hui, puissent être dites, écrites» a affirmé Mehdi Lallaoui, président de l'association «Au Nom de la mémoire» et par ailleurs, écrivain et réalisateur. Il a plaidé pour «l'ouverture complète des archives, à l'enseignement de la Guerre de libération et des massacres coloniaux dans les livres d'histoire, et à la remise en cause de la Fondation française de la Guerre d'Algérie qui est, selon lui, encore dirigée par les «nostalgiques de l'Algérie française». De son côté, le directeur de Mediapart, Edwy Plenel, préfère parler de «vérité et réconciliation», au lieu de «repentance». «Ce n'est pas de la repentance comme certains tentent de diaboliser, mais simplement de dire ce qui va permettre cette réconciliation de tous ceux qui ont participé à cette histoire, qu'ils soient Algériens ou Français», a-t-il ajouté. Pour sa part, l'historien Jean-Luc Einaudi est revenu sur «le combat pour la vérité sur le 17 octobre 1961» en rendant hommage à quelques-uns de ceux qui ont mené ce combat, dont Georges Matei, un des tout premiers à témoigner en France sur «l'atroce réalité» de la Guerre de libération pour laquelle il a été mobilisé de force. «Le 17 octobre 1961, il avait constitué un groupe d'observateurs, parmi lesquels l'éditeur François Maspero, qui ont vu les atroces scènes qui se déroulaient à Paris et qui ont voulu, à partir de ce moment, en témoigner», a indiqué Jean-Luc Einaudi. Il citera également Pierre Vidal-Naquet dont le nom, dit-il, incarne le citoyen «engagé» après le tragique sort réservé à sa famille sous l'occupation nazie, et dont les travaux d'historien avaient déjà établi la vérité sur ce crime d'Etat commis le 17 octobre 1961. Il a aussi évoqué Jacques Panijel, ancien résistant dont le film-témoignage Octobre à Paris, sorti en 1962 et saisi lors de sa première projection. L'œuvre est demeurée interdite des années durant en France, jusqu'à 2011. Cette soirée, organisée au Cabaret sauvage de Paris, a réuni des artistes célèbres dont Idir, le groupe féminin Tighri Uzar et Akli D. Pour les organisateurs, il a semblé «important», à la veille de la visite officielle du président Hollande en Algérie, de marquer par un grand rassemblement citoyen et festif la reconnaissance par la France de la tragédie du 17 octobre 1961. A. B.